11:15 Sunday night
Rédaction : Roland Brunet le 13 décembre 2017
Je rentrais donc chez moi un dimanche soir sur les coups de 23h après un match de football et j'avais environ 30km de trajet, soit à peu près 40' devant moi. Pour passer le temps je me suis connecté à ma liste Deezer « Top 1000 » qui regroupe une sélection très personnelle de titres triés sur le volet : fruit de 40 ans de passion musicale.
Afin d'éviter une lecture trop convenue des morceaux, je me suis positionné en mode aléatoire pour bénéficier d'un effet de surprise et essayer de deviner chaque titre dès les premières notes... J'aime bien pratiquer ce genre de mini challenge qui, de surcroit, avait pour effet de me maintenir éveillé et d'éviter tout assoupissement. En général je tourne le bouton du volume vers son maximum pour profiter pleinement du système audio.
Soudain, je me suis retrouvé en compagnie de Franz Ferdinand, un ancien pote anglais du début des années 2000 qui m'a indiqué mon temps de trajet restant : 40 minutes 😉
Ayant reconnu instantanément les 6 premières notes caractéristiques du morceau de Franz, je me suis alors dit intérieurement : cela commence bien, du bon rock anglais mélodique et bien charpenté.
Je me suis aussitôt mis à chanter en boucle laalalalaa laalalalaa laalalalaa laalalalaa… avec une joie non dissimulée !
À la fin du morceau, j'étais de nouveau prêt à découvrir le titre suivant et heureux d'avoir renoué avec un ami de 15 ans !
C'est alors que résonnèrent quelques accords de guitare accompagnés par un charleston marquant les temps, suivis de 5 notes (3 longues et 2 courtes) jouées en harmonique (note suraiguë résultat d'une corde effleurée et non pincée) à la guitare.
Le démarrage d'une basse puissante et soudaine me projeta instantanément 38 ans en arrière, le 20/12/1979 pour être exact, en pleine période Punk /Reggae /Pré New Wave au beau milieu d'un concert des Cure à leur début !! Je me souviens encore parfaitement de ce moment et de l'énergie brute qui se dégageait de ces 4 jeunes anglais. Je m'étais dit à l'époque : c'est simple mais c'est excellent ! Ça ne sert à rien de jouer des milliers de notes pour captiver une audience et faire bouger les gens.
De retour dans ma voiture et après toutes ces années, une nouvelle fois la magie se renouvelait : il avait suffit de 5 notes (mais quelles notes !) pour que tout mon être bascule dans une émotion incontrôlable… Le solo de guitare au milieu du morceau, hallucinant et en contraste total avec le rythme modéré de la chanson, me frappa violemment du côté gauche et me fit basculer complètement dans un état de transe sur mon siège.
J'entendais Robert Smith fredonner « And the tap drip drip drip drip. » mais à mon niveau ça ressemblait plutôt à « My Eyes Drip Drip Drip Drip... » et à « Boys Don't Cry »
Ce n'est qu'après avoir apprécié les 5 notes de fin, jouées en harmonique (cf 3'33), comme au début du morceau mais selon un rythme différent et par 3 fois, que je revins au monde actuel. Mon premier geste fut alors d'appuyer sur le bouton Replay et de repartir pour un tour, enfin pour plusieurs tours : oui j'ai bien écouté et réécouté ce chef d'œuvre 6 ou 7 fois jusqu'à ma destination finale et le pire c'est que j'aurais pu continuer encore jusqu'au milieu de la nuit !
Autant la musique peut être complexe, pointue, intellectuelle, alambiquée, autant elle peut être simpliste, primaire, basique, animale : il suffit parfois de quelques notes ! Le résultat est le même : quand l'émotion est là on oublie tout et on profite de l'instant …
Le lendemain, je me réveillais comme à mon habitude vers 6h30 après une nuit agitée marquée par un rêve revenant sans cesse : moi assis sur l'évier en train d'attendre un improbable appel téléphonique au son d'un robinet qui fuit !
Après un petit déjeuner rapidement expédié, je repris le chemin de ma voiture et je refis exactement les mêmes gestes que la veille : brancher mon autoradio et lancer ma liste Deezer en aléatoire tout en savourant à l'avance les sons et les rythmes que j'allais découvrir !
C'est alors que résonnèrent quelques accords joués aux claviers accompagnés par une batterie lourde et aérienne à la fois, suivis de 7 notes magnifiques jouées à la basse (2 courtes , 1 très longue étirée et 4 longues) le tout agrémenté par des chœurs féminins de toute beauté...
Ma première réaction fut de penser : ça y est, ça recommence comme hier soir, les mêmes symptômes : accélération du rythme cardiaque, frisson, bouffées de chaleur, etc. Au même moment mon regard tomba sur l'horloge lumineuse située à droite de mon tableau de bord. Elle indiquait 7:15
J'ai aussitôt ressenti un sentiment d'amertume et de dépit : Je les avais ratés… J'avais 2 heures de retard les anges étaient partis sans moi ! Alors que la voix inégalable de Maître David résonnait dans l'habitacle, j'ai pensé : « Bon c'est pas grave pour me consoler je vais me faire une Cure de Bowie !! »
Roland Brunet
roland@poptastic-radio.com
Programmateur français (dont le berceau devait se trouver probablement trop près des enceintes), spécialiste du Rock Progressif (et finalement de toutes les musiques !). Surnommé également "L'Homme aux casques" (pour comprendre ce sobriquet, il faut lire ses papiers).