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American Music Club : Le Groupe Rock Américain Oublié

Rédaction : Christophe Billars le 9 septembre 2024

Qui aujourd’hui connait American Music Club et son fondateur Mark Eitzel? Combien parmi ceux qui connaissent ce groupe l’avaient oublié ?

Je m’inclus dans la 2ème catégorie car sans cette chronique américaine, il est possible que je n’aie jamais ressorti les deux albums que je possède. Comme souvent, c’est sur la foi d’une critique dithyrambique, certainement des Inrockuptibles, quand ce journal - c’était il y a longtemps – nous faisait découvrir tant d’artistes passionnants.

Pour situer rapidement ce « Club de musique américaine » (quel nom de groupe génial !), fondé par Mark Eitzel en 1983, on peut dire qu’il représente l’archétype du groupe sous-estimé de losers magnifiques n’ayant jamais connu le grand succès mais adulés par un cercle restreint d’afficionados. Le son chaleureux et boisé du groupe à base d’instruments classiques du folk américain, enveloppé par la voix chaude et légèrement voilée de son leader, en fait tout le charme. Mais il ne serait rien sans le talent de songwriter d’Eitzel. Ses mélodies ne se donnent pas facilement, ne cédant jamais à la facilité et atteignent du coup un côté intemporel, hors de toutes les modes.

Rien de mieux pour s’en convaincre que l’excellentissime « Mercury » leur album de 1993 à la pochette mystérieuse.

american music club chronique album mercury

Tout l’art d’Eitzel et de son groupe est concentré dans cet album à écouter au coin du feu. Superbement produit par Mitchell Froom, accessoirement mari de Suzanne Vega, mais surtout grand producteur outre de son épouse, de Mc Cartney, de Dylan, d’Elvis Costello, Peter Gabriel, Roy Orbison entre autres, il révèle 14 titres de très haute volée, entre ballades folk et titres mid-tempo superbement arrangés. Très difficile en effet, de distinguer des chansons parmi toutes tant l’album est d’une grande homogénéité. Comment résister à ce « Gratitude walks » délicatement introduit au piano ? Cette magnifique ballade nocturne est la façon idéale d’entrer dans « Mercury », d’aborder ses beautés sombres et soyeuses.

Ces ballades habitées, inspirées et envoutantes constituent une part de l’album. Ce sont par exemple les très beaux « Apology for an accident » ; « Dallas, airport, bodybags » ou encore « I’ve been a mess ». Et que dire de cette valse somptueuse qu’est « Hollywood 4-5-92 » ?

Cependant, American Music Club sait aussi accélérer – un peu – le tempo et les merveilles se ramassent là aussi à la pelle telles « If I had a hammer » aussi loin de Claude François que Pluton du Soleil et pourtant solaire à souhait. « Challenger » brille sous un déluge de guitares et « What Godzilla said to God when his name wasn’t found in the book of life” et son hilarant titre à rallonge n’a rien d’une plaisanterie. Avec “Keep me around” et “Over and done” American Music Club signe deux immenses titres qui dans un monde parfait passeraient à la radio pour le bonheur de tous. Mais le monde, contrairement à ces chansons, n'est pas parfait, chacun le sait.

Johnny Mathis’s feet” a été reprise par Divine Comedy, Neil Hannon ayant bien repéré sa beauté profonde et lyrique. Ce titre, classique instantané est peut-être le sommet d’un album qui en regorge.

En 1994, cependant moins enthousiasmé qu’aujourd’hui par « Mercury », l’album ayant tellement bien vieilli qu’il a pris une dimension que je ne percevais pas à l’époque, je me procurais l’album suivant du groupe « San Francisco »

L’album reprend peu ou prou les recettes de « Mercury », avec la même réussite. Il alterne balades somptueuses, titres mid tempo et d’autres plus énervés et bruitistes comme « It’s your birthday » et « Wish the world away ». « Fearless » placée en introduction est une balade folk parfaite du calibre de « Gratitude walks ».

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Encore une fois, je suis sidéré à la réécoute de cet album par la qualité de l’objet. Pas étonnant qu’American Music Club soit devenu une référence pour beaucoup d’artistes indés tant l’album fourmille de titres fantastiques. Encore une fois, très difficile d’en isoler certains plutôt que d’autres mais mes préférences vont vers le quasi tubesque et léger « Can’t you help me ? » au refrain gonflé d’espoir mais aussi « How many six packs does it take to screw in a light ?» qui également ne possède pas la mélancolie voire la noirceur des titres de « Mercury ».

Plus loin “The revolving door” possède tout ce qui fait la quintessence des compositions d’Eitzel - mélancolie, profondeur et beauté envoutante, « I’ll be gone » au tempo plus enlevé est excellent mais j’avoue un faible pour la balade au coin du feu guitare – voix - bruits nocturnes, ultra dépouillée et magnifique qu’est « The thorn in my side is gone ». Être capable de susciter autant d’émotions avec aussi peu mérite qu’on tire son chapeau.

American Music Club s’est séparé après “San Francisco” et 7 albums, Mark Eitzel entamant une prolifique carrière solo. Cependant le groupe s’est reformé en 2004 et a produit depuis deux albums que j’avoue ne pas connaître. Eitzel et ses comparses ne seront jamais des superstars, c’est une évidence, mais je mesure aujourd’hui l’importance de « Mercury » et « San Francisco », deux grands disques d’un groupe sous-estimé, inconnu du grand public et qui pourtant aura marqué nombre de musiciens.

Retrouvez les chroniques de Christophe Billars également sur son blog Galettes Vinyles

Auteur
christophe billars

Passionné de musique, lui-même musicien, compositeur et parolier. Sur Poptastic, Christophe livre régulièrement des critiques affûtées sur les albums d'artistes britanniques ou en rapport avec la scène musicale britannique.


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