ette flamboyance, Jarvis Cocker a eu, depuis la séparation de Pulp après le dernier album « We Love Life » (2001) déjà en deçà des précédents, du mal à la retrouver dans ses deux albums solos « The Jarvis Cocker Record » (2006) et « Further Complications » (2009). La créativité de notre homme y semblait bridée, comme retenue par d'inexplicables liens lui qui nous avait habitués à l'exact opposé.
Mais voici que depuis quelques temps, Cocker est devenu Jarv Is, du nom de son nouveau groupe composé de six musiciens. Cette union a porté ses fruits sous la forme d'un album intitulé « Beyond The Pale » et c'est avec un vrai bonheur qu'il tourne sur ma platine faisant surgir le fantôme de Pulp tout au long des sept titres de haute volée qui le composent. Le titre – traduire « dépasser les limites » est un programme en soi puisque c'est exactement ce que Jarvis Cocker a peiné à réussir durant les 20 dernières années. D'ailleurs ce sont ces mots qui sur la pochette intérieure sont placés en évidence « …& remember. You've got to move beyond the pale ». L'album va à l'essentiel donc, sept titres en tout et pour tout et 40 minutes qui suffisent à Jarv Is pour convaincre de la nécessité de l'entreprise. On retrouve ici beaucoup de ce qui a fait le succès de Pulp : richesse mélodique, inventivité des arrangements et suffisamment de folie pour faire tourner les têtes et bouger les jambes.
Et pourtant c'est avec la somptueuse mais sombre « Save The Whale » que débute le disque. Le morceau fait irrésistiblement penser à Léonard Cohen avec la voix grave de Jarvis Cocker qui nous incite à sortir de notre confort par de nombreuses injonctions et ses chœurs féminins mais dépasse son modèle par de magnifiques arrangements de synthétiseurs et de violons qui donnent à la chanson un aspect presque inquiétant. Après cette ouverture introspective, Jarv Is nous embarque dans une extraordinaire odyssée pop de presque 7 minutes qui aurait toute sa place sur n'importe lequel des grands disques de Pulp. Pulsations et spirales de synthés, claps, chœurs répétés en échos infinis, expirations, orgue quasi psychédélique à la Doors, montée en puissance dramatique parfaitement maîtrisée caractérisent « Must I Evolve ? », cet immense titre qui s'arrête pour mieux repartir et atteindre des sommets que n'avait plus tutoyés Jarvis Cocker depuis plus de 20 ans. Le titre est étourdissant et magnifié par la fantastique interprétation de Jarvis Cocker qui rappelle l'immense chanteur qu'il est, capable de parcourir toute la gamme entre le murmure et la grandiloquence mais jamais lourdingue ni pompeuse ; l'exact opposé de Muse par exemple. Un des grands titres de l'année.