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"Collapsed In Sunbeams", un des grands disques de ce début 2021

Rédaction : Christophe Billars le 13 février 2021

Il est des disques longs en bouche, qui mettent un certain temps à trouver une place dans notre esprit, à y être reconnus et considérés comme familiers. Et puis il y a les autres, ceux qui donnent l’impression après la première écoute qu’ils ont toujours été là, qui ont la force de l’évidence de leurs chansons, qui prennent une place qu’elles ont, semble-t-il, toujours occupée. « Collapsed In Sunbeams » le premier album de l’anglaise Arlo Parks fait assurément partie de la deuxième catégorie.

Les 12 morceaux qui le composent s’imposent sans coup férir et vont, sans aucun doute, réunir à la fois le grand public et l’amateur le plus exigeant.

Anaïs Oluwatoyin Estelle Marinho, alias Arlo Parks, inconnue au bataillon jusque-là, à part 2Ep remarqués l’an dernier, a grandi à Londres mais ses origines sont multiples entre sa mère française et ses ascendances nigériane et tchadienne. Sa première passion fut l’écriture poétique, ce qui transparait aujourd’hui dans les textes ciselés de ses chansons. Quand on sait qu’elle n’est âgée que de 20 ans, on est sidéré par la maturité qui se dégage de ce disque, qui semble l’œuvre d’une longue expérience. Et pourtant…

Ses textes reflètent l’observation de son quotidien qu’elle prend en notes régulièrement. Elle raconte ce qui fait la vie des gens de son âge aujourd’hui : la solitude, les errances quant à l’orientation sexuelle dans « Eugene », le désir, les ravages de la drogue et l’alcool comme dans le somptueux « Hurt », « Charlie drank it till his eyes burned then forgot to eat his lunch » mais également la dépression à travers le non moins magnifique « Black Dog » - comme W. Churchill parait-il, nommait ce mal contre lequel il se battait – « It’s so cruel what your mind can do for no reason ». La tonalité est donc assez sombre mais l’écrin musical qui accueille ces textes mélancoliques est une splendeur, une bulle de beauté calme et sereine.

Si Arlo Parks écrit ses textes, elle partage la composition avec son comparse Gianluca Buccellati, qui joue de la quasi-totalité également des instruments du disque. On retrouve aussi sur deux titres Paul Epsworth aux manettes (ce qui, vu le CV du Monsieur – Adèle et U2- n’est pas pour rassurer de prime abord). Musicalement, l’album est un exemple quasi parfait de simplicité grâce à des arrangements assez minimalistes qui mettent en valeur des mélodies absolument irréprochables. L’album crée une sphère de bien-être à travers des inflexions qui puisent leur inspiration à la fois du côté d’une soul feutrée mais qui également rappellent le son de Bristol des 90’s. On pense par exemple à Portishead sur le sombre « For Violet », on se croirait presque dans le « Blue Lines » de Massive Attack sur l’extraordinaire « Green Eyes ». La voix d’Arlo Parks, d’une suavité, d’une justesse de ton impressionnantes parvient à combiner chaleur et mélancolie et provoque l’émotion de façon irrépressible. On pense parfois à Skye Edwards, chanteuse de Morcheeba, ou peut-être aussi à Sade. Mais les influences sont multiples sur cet album depuis le spoken word du titre introductif « Collapsed In Sunbeams », en passant par des atours folk qu’apporte la guitare acoustique jusqu’à certaines rythmiques quasi jazzy. Enfin, l’album débordant de tubes absolument imparables, Arlo Parks n’oublie jamais l’efficacité mélodique héritée de la pop. Le disque est un condensé parfait d’influences diverses digérées et recrachées en un miracle d’équilibre.

Des tubes comme s’il en pleuvait donc et qui, à l’heure où j’écris, ont certainement déjà envahi les ondes et trusté les vues sur internet. On peut quasiment prendre l’album dans n’importe quel sens, n’importe quel ordre, on tombe sur des perles telles que le tubissime « Hurt » à la fois lumineux et mélancolique, au refrain somptueux ou encore « Hope » qui rentre en tête pour ne plus en sortir.

Et que dire du parfait « Caroline » aux chœurs vaporeux qui vous entraîne dans des abîmes de mélancolie ?

Juste après « Black Dog » est un chef d’œuvre absolu, ce qui semble être une harpe lui confère un aspect liquide et fragile et là, plus que jamais, la voix d’Arlo Parks fait des merveilles. J’ai déjà évoqué plus haut « Green Eyes » dont le refrain vous transportera dans un océan de bonheur et il ne faut surtout pas rater « Bluish » magnifique titre à la rythmique électro élastique.

En cherchant la petite bête, je renâcle un peu aux facilités légères de « Just Go » mais c’est vraiment pour faire le difficile. On quitte le disque avec le plus orchestré « Portra 400 » qui semble planer avec majesté et dans lequel Arlo Parks s’essaye même, avec réussite, au rap.

On l’a compris, on tient ici un des grands disques de ce début d’année 2021. Vous ne l’avez pas encore écouté mais pourtant vous le connaissez déjà tant ses chansons magnifiques sont frappées du sceau de l’évidence. Par contre, on ne connaissait pas Arlo Parks … jusqu’à aujourd’hui.

Album de la chanteuse anglaise Arlo Parks Collapsed in SunbeamsÉcoutez des extraits de "Collapsed In Sunbeams" de la chanteuse anglaise Arlo Parks dans la programmation de Poptastic Radio.

Retrouvez les chroniques de Christophe Billars également sur son blog Galettes Vinyles

Auteur
christophe billars

Passionné de musique, lui-même musicien, compositeur et parolier. Sur Poptastic, Christophe livre régulièrement des critiques affûtées sur les albums d'artistes britanniques ou en rapport avec la scène musicale britannique.