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En 4ème vitesse, les albums sortis en novembre

Rédaction : Christophe Billars le 3 décembre 2024

Retour sur notre sélection des sorties d'albums du mois de novembre 2024.

 « Novembre toute l'année / Toute l'année c'est novembre, / le ciel blanc, le ciel est blanc cassé » chantait Benjamin Biolay dans la superbe ouverture de son album « Rose Kennedy » (2001). 10 ans auparavant les beaucoup moins superbes Guns'N'Roses m'avaient cassé les oreilles avec le dégoulinant « November rain » extrait de « Use your illusion I » (1991).

On le voit, ce mois de novembre a inspiré pour le meilleur et le pire nombre d'artistes souvent pour en chanter la grisaille, la déprime de cette entrée dans l'hiver. Il reste à espérer que ce novembre 2024 soit plus réjouissant que déprimant en ce qui concerne les sorties d'albums. Vérifions cela ; « En 4ème vitesse » bien entendu.

Peter Perrett – The Cleansing

Dissipons tout de suite ce qui pourrait s'avérer devenir un redoutable malentendu : NON Peter Perrett n'est pas un cousin anglais éloigné de l'immortel créateur du « Zizi », j'ai nommé notre Pierre Perret national. Ils n'ont d'ailleurs rien en commun musicalement sauf peut-être un goût pour l'irrévérence. Il est l'ancien leader d'un groupe météorique, actif à la charnière des 70's et des 80's, depuis devenu culte : The Only Ones. Âgé de 72 ans, toxicomane depuis toujours, Peter Perrett a fait en 2017 un come-back réussi en solo avec l'album « How the West Was Won » et voici qu'il présente aujourd'hui « The Cleansing » - sur lequel on retrouve des pointures telles que Johnny Marr ou Bobby Gillespie – double album de 20 titres qui s'annonce d'ores et déjà comme un des meilleurs de l'année. En effet, rien à jeter ici : des morceaux qui ne dépassent que rarement les 4 minutes, qui vont à l'essentiel, des paroles incisives qui dézinguent le monde d'aujourd'hui et ses dérives. On ne trouvera pas une once de graisse dans ces arrangements, dans ces guitares d'une efficacité redoutable qui rappellent l'émergence de la new-wave anglaise. Et puis il y a la voix très Lou Reedienne (on pense souvent à Lou Reed tout au long du disque) de Peter Perrett, à la fois traînante et pourtant acérée comme une lance qui porte ces chansons. Mettez-vous ce « Disinfectant » hyper jouissif entre les oreilles, montez le son, puis précipitez-vous sur cet album.

peter perett the cleansing

Laura Marling – Patterns In Repeat

Restons en Angleterre mais changeons radicalement de style avec le nouvel album de la chanteuse-compositrice folk Laura Marling, intitulé « Patterns in Repeat ». J'avais déjà évoqué cette artiste à l'occasion de la sortie de l'album « Animal » (2021) qu'elle avait réalisé avec Mike Lindsay sous le nom de Lump et qui avait été une très grande réussite (Voir la critique dans Poptastic ici)

Il s’agit déjà de son 8ème album. On retrouve ici la délicatesse, la simplicité et la subtilité de chansons dépouillées et superbes. Accompagnée d’une guitare acoustique, de cordes d’une discrétion remarquable et parfois de choeurs comme étouffés, Laura Marling livre ici une magnifique collection de titres intimistes. Il suffit d'écouter le début de la magnifique « Child of Mine » qui ouvre l'album, la chanson semble captée au milieu d'un moment en famille, à la maison. On y entend une voix d'homme, celle d'un bébé, puis la guitare acoustique se fait entendre et Laura Marling commence à chanter. Le morceau va prendre une ampleur impressionnante avec l'arrivée de cordes, de choeurs et tout l'album est comme ça, entre simplicité des compositions et de l'interprétation et des arrangements soyeux qui leur donnent une dimension supplémentaire. Les perles se succèdent, d'une beauté stupéfiante : « Patterns » ; « The Shadows » qui pourrait presque être la B.O d'un western; « Looking Back » ou encore « Caroline » qui marche sur les pas de Nick Drake. « Patterns in Repeat » est l'album parfait pour passer l'hiver au chaud, il serait dommage de s'en priver.

laura marling–patterns in repeat

Primal Scream – Come Ahead

Je cite son nom pour la deuxième fois dans cette chronique. La première à propos de son apparition sur l'album de Peter Perrett, mais cette fois-ci il occupe le centre de l'affiche. Je parle de Bobby Gillespie, de retour avec son Primal Scream originel. Décidément c'est une période de come-back.

« Come Ahead » est le premier disque de Primal Scream depuis « Chaosmosis » en 2016, un album qui ne m'avait pas vraiment convaincu, et le 12ème au total, 35 ans après le classique « Screamadelica » (1989). Un bel exemple de longévité. L'homme sur la pochette est le père de Bobby Gillespie récemment décédé.

Si « Come Ahead » n'a pas la stature de son glorieux ainé, il n'en montre pas moins de belles qualités et une énergie encore bien présente. En effet l'album est majoritairement placé sous le signe de la danse à l'image des 2 premiers titres. « Ready To Go Home » pour commencer, qui démarre en gospel puis bascule vers un disco de belle facture, qui s'il n'invente rien, se contentant d'appliquer les recettes du genre, a le mérite de faire sérieusement taper du pied. C'est vers le funk que tend ensuite « Love Insurrection » et ses 6 minutes de groove moite, ses choeurs suaves, ses guitares vicieuses et des cuivres et des cordes qui ancrent le morceau dans les 70's. Mais c'est bien « Innocent Money » qui emporte la palme. Le titre reprend ces sonorités disco/funk 70's qui pulsent mais avec une dose de folie supplémentaire qui le fait sortir des sentiers battus. Autre réussite, sur un tempo bien plus lent, est la ballade « Melancholy Man ». Gillespie y est superbe de détachement, le saxo semble un peu dingue et le solo de guitare final plus-que-parfait. Ces deux titres constituent les sommets d'un album qui se révèle plus inégal par la suite avec les quelque peu boursouflés « Love Ain't Enough » et « Circus Of Life », l'ennuyeux « Heal Yourself », un « False Flags » un tantinet longuet et fadasse. À vous de voir, selon que vous considérez la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide.

primal scream–come ahead

Linkin Park – Over Zero

Alors Linkin Park comment dire ? Je crois que finalement je ne les ai jamais entendus autrement qu'à travers la cloison de la porte de la chambre de mon fils quand il était au collège autour de 2008 et, qu'à l'instar de bon nombre de ses congénères, il écoutait en boucle. Bon j'avoue, j'exagère un peu car la curiosité m'a poussé un peu plus loin et j'ai dû faire défiler un album ou deux, pour voir. Mais pas plus. Cette musique ne me touchait pas, ne m'intéressait pas. Alors quand j'ai vu ce «From Zero» nouveau se pointer à l'horizon des sorties automnales, je me suis dit que c'était l'occasion d'aller y jeter une oreille un peu plus attentive.

Eh bien ça y est, c'est fait, j'ai écouté 3 fois «From Zero» et je sais qu'il n'y en aura pas de 4ème. Finalement Linkin Park ce n'est jamais que du gros rock ricain de stade un peu bourrin à la sauce metal sur les bords. Leur chanteur d'origine, décédé, a été remplacé par une chanteuse nommée Emily Armstrong. Je ne sais pas si elle prend de l'EPO mais on ne peut pas nier qu'elle a du souffle, jusqu'à s'en faire péter les cordes vocales. Alors oui le single «The Emptiness Machine» fait le job, accrocheur et nerveux qu'il est, mais il faut sur «Cut the Bridge» et «Heavy Is the Crow» supporter ce gros son sans âme, ces refrains beuglés à reprendre en choeur et ces autres titres aussitôt écoutés aussitôt oubliés que sont «Over Each Other» ou «Stained» ainsi que «Casualty» ou encore «IGYEIH» au-delà du tolérable pour mes oreilles fragiles. Un gros son, une production maousse, ne remplaceront jamais la vraie tension, l'intensité d'une énergie vitale. Il y a plus d'énergie, de violence dans 15 secondes de Joy Division que sur la totalité de ce «From Zero» qui sera certainement multiplatiné. Un titre à sauver cependant au milieu de ce blockbuster, planqué au beau milieu de l'album et intitulé «Overflow». Attention, on ne crie pas au chef-d'oeuvre mais le contraste est saisissant. Emily montre qu'elle sait aussi faire dans la dentelle et le groupe varie un peu ses atmosphères même si le naturel revient au galop sur un refrain horrible. Mais les guitares sont plus tortueuses, le rythme dub surprend et les claviers installent une atmosphère sombre. Comme quoi, il y a toujours quelque chose à prendre quand on y met du sien.

linkin park–over zero

Tyler, The Creator - Chromakopia

Mais l'Amérique a bien mieux à nous offrir en la personne de Tyler Gregory Okonma, plus connu sous le nom de Tyler, The Creator. Considéré aujourd'hui comme l'un des fleurons du rap, Tyler, d'origine nigériane par son père, est aussi producteur, chanteur, compositeur et graphiste. Sort ces jours-ci son nouvel album « Chromakopia » sur la belle pochette duquel il apparaît sous les traits d'un alter ego masqué et coiffé selon une tradition Rwandaise nommée Amasunzu.

Les liens avec la tradition africaine s'entendent aussi dans certains titres comme « Noid », improbable croisement de chants africains et d'une rythmique quasi heavy. Par ailleurs c'est un festival d'arrangements, d'idées et de genres. On passe du hip hop au R&B en passant par la soul, le gospel, la pop ou le jazz sans que jamais Tyler ne se perde. On pense à Prince bien sûr pour cet espèce d'appétit à explorer sans relâche de nouveaux univers musicaux. Il suffit d'écouter l'incroyable richesse du morceau d'ouverture « St Chroma », rythmé par des bruits de bottes sur lesquels Tyler murmure, bientôt rejoint par un clavier enveloppant et des choeurs suaves avant que le flow tout en souplesse du rappeur n'emballe le tout. Les morceaux s'enchainent sans relâche avec le nerveux « Rah Tah Tah » dans lequel il affirme, non sans humour, être « The Biggest Out Of The City After Kenny », Kenny étant Kendrick Lamar. Mais c'est surtout dans la finesse et l'amplitude de ses arrangements que Tyler excelle comme sur le somptueux « Like Him » et son explosion finale ou sur « I Hope You Find Your Way Home » où le flow rageur contraste avec des arrangements soyeux au piano. Sublime aussi le très soul « Take Your Mask Off » et ses choeurs tout en douceur. Mais Tyler sait aussi être minimaliste (comme Prince encore) sur « I Killed You » ou « Judge Judy ». Il serait dommage de passer à côté de ce disque de celui qui devrait devenir un des artistes majeurs de la décennie (s'il ne l'est pas déjà), à la fois respectueux d'une tradition de la black music et porteur d'une liberté et d'une modernité à toute épreuve.

tyler, the creator chromakopia

Michael Kiwanuka - Small Changes

Quelques notes de guitare, des choeurs soyeux et une énorme ligne de basse chaude et ronde ouvrent « Floating Parade », magnifique premier titre du nouvel album du roi de la soul moderne qu'est devenu Michael Kiwanuka.

Après deux albums exceptionnels « Love & Hate » (2016) et « Kiwanuka » (2021) (lire la critique sur Poptastic ici), ce « Small Changes » installe définitivement son auteur au sommet. Plus apaisé que son prédécesseur, l'album propose 11 compositions d'une qualité exceptionnelle, mises en valeur par des arrangements d'une grande sobriété. Tous les ingrédients de la soul sont présents à travers des choeurs d'une suavité extraordinaire, le piano limpide, l'orgue qui enveloppe et bien entendu la voix de Michael Kiwanuka. Celui-ci est le fils d'Ougandais ayant fui le régime d'Idi Amin-Dada et a grandi à Londres. Cette double culture s'entend dans sa musique fidèle à la soul et aux racines africaines mais qui a aussi un pied dans le folk voire dans la pop anglaise comme sur l'incroyable « Lowdown Part II », un instrumental dont on jurerait que le solo de guitare est joué par David Gilmour tant l'influence de Pink Floyd s'y fait sentir.

La production est assurée par Brian Burton alias Danger Mouse (Broken Bells, Red Hot Chili Peppers, Adèle, Parquet Courts, U2, Black Keys, Gorillaz, Gnarls Barkleys, …) et Inflo (Sault, Adèle, Little Simz, …) et jamais celle-ci ne prend les devants. Pas de poudre aux yeux, de gonflette, les chansons n'en ont pas besoin, il suffit de leur fabriquer un écrin pour les faire briller encore plus. Et les perles se succèdent sous la forme de balades soul mélancoliques, toutes aussi somptueuses les unes que les autres, portant avec classe leur costume de futurs classiques. C'est simple, il n'y a rien à jeter, on vole à si haute altitude que je suis bien en peine de choisir un titre. Le plus simple est de prendre la première du disque, tout le reste est du même tonneau.

michael kiwanuka small changes

Ainsi se referme notre « En 4ème vitesse » de novembre. Rendez-vous dans un mois en espérant que nous aurons été suffisamment sages pour découvrir au pied du sapin une belle livraison de nouveaux albums. D'ici là tenez-vous au chaud.

Auteur
christophe billars

Passionné de musique, lui-même musicien, compositeur et parolier. Sur Poptastic, Christophe livre régulièrement des critiques affûtées sur les albums d'artistes britanniques ou en rapport avec la scène musicale britannique.


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