Et si on écoutait Cracker Island le nouvel abum de Gorillaz
Rédaction : Christophe Billars le 29 mars 2023
Plus de 20 ans plus tard, force est de constater que Gorillaz a pris la place principale dans sa carrière. Ce n'est d'ailleurs certainement pas par hasard que « Think tank » (2003) apparaît à postériori comme le meilleur album de Blur. Sa sortie est postérieure à « Gorillaz » (2001) et précède « Demon Days » (2005) les deux fantastiques premiers albums de Gorillaz, comme si cela avait permis à Albarn d'enfin se dégager du carcan brit-pop dans lequel il s'était malgré lui enfermé avec Blur pour oser expérimenter, explorer d'autres univers et laisser enfin libre cours à son immense talent. Cette première décennie du siècle correspond d'ailleurs sans aucun doute au pic créatif de son incroyable carrière. C'est aussi dans cette décennie qu'il va collaborer avec des musiciens d'horizons divers comme avec « Mali Music » (2002) ou dans le super groupe sur l'album éponyme « The Good, The Bad and The Queen » (2007). Damon Albarn fait depuis feu de tous bois, et a même entamé une carrière solo avec le formidable « Everyday Robots » (2014). Musicalement, il ne s'interdit désormais aucun style que ce soit au travers de ses différents projets ou même au sein de Gorillaz.
Sur « Cracker Island » Gorillaz retrouve une veine beaucoup plus pop et directement accessible que sur ses derniers opus depuis « Humanz » (2017) qui adoptait une couleur résolument hip-hop assez sombre tout en intégrant des éléments de soul music. Plus immédiatement accessible que ses prédécesseurs, « Cracker Island » constitue une bonne livraison avec des titres accrocheurs et beaucoup plus lumineux.
Sur le titre « Cracker Island » qui ouvre l'album, après une introduction au clavier, un beat métronomique accompagne le chant répétitif d'Albarn. Des chœurs répondent au chant sur ce morceau parfait pour le dancefloor qui s'insinue immédiatement dans nos cerveaux. Une introduction tubesque idéale.
Mais je lui préfère, de loin, « Oil » sans nul doute un des deux meilleurs titres de l'album. La mélodie est irrésistible sur ce mid-tempo aux guitares gorgées de soleil californien qui va jusqu'à réveiller le fantôme de Fleetwood Mac quand rentre la voix de la grande Stevie Nicks.
« The Tired Influencer » maintient le très bon niveau de ce début d'album. Ce morceau de pop panoramique au tempo alangui, aux arrangements sophistiqués met en valeur la voix d'Albarn dont la neutralité convient parfaitement à l'ensemble. La chanson n'est d'ailleurs pas si éloignée de ce qu'il a pu proposer en solo. On enchaîne avec « Tarentula » et ses trois notes de claviers sautillantes et frivoles qui retentissent sur un titre enlevé qui emporte l'adhésion sans être inoubliable. Gorillaz redevient quelque peu routinier et ce n'est pas avec « Silent Running » et ses claviers 80's que l'on va beaucoup plus s‘enthousiasmer. On reste dans la veine d'une pop dansante, agréable et accessible mais sans génie.
Il faut entamer la face B pour retrouver les sommets avec l'immense « New Gold » en duo avec Kevin Parker de Tame Impala et le rapper Bootie Brown. Bourré de claviers spatiaux, de gimmicks accrocheurs, solidement assis sur une basse énorme, le titre décolle de façon vertigineuse sur le refrain chanté par Kevin Parker. On se croirait chez Tame Impala, celui du dernier album, plus électro.
“Baby Queen” est une belle ballade électro pop dans la veine de « The Tired Influencer » sur la face A, mais qui fait tout de même retomber un peu l'excitation. « Tormenta » s'aventure sur des contrées mi bossa, mi-latino qui me font plus fuir qu'autre chose. Gorillaz a-t-il déjà fait pire ? Passons. « The Skinny Ape », malgré un début quasi acoustique n'arrive qu'à me casser les pieds, pour rester poli, avec sa longue fin bourrine aux claviers envahissants. Heureusement on va sortir enfin de ce ventre très mou de l'album avec la délicate et superbe « Possession Island » digne des meilleurs moments du premier album solo d'Albarn. Cette balade folk dépouillée au piano cristallin s'adjuge la collaboration assez discrète de Beck et permet de quitter l'album sur une bonne impression.
Gorillaz semble il est vrai parfois en pilotage automatique sur « Cracker Island » mais les réussites sont suffisamment nombreuses pour assurer son succès. Ce n'est toujours pas l'album de trop pour Damon Albarn et ses comparses et c'est tant mieux.
Écoutez des extraits de "Cracker Island" dans la programmation de Poptastic Radio.
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Passionné de musique, lui-même musicien, compositeur et parolier. Sur Poptastic, Christophe livre régulièrement des critiques affûtées sur les albums d'artistes britanniques ou en rapport avec la scène musicale britannique.