On parle de bootleg aujourd'hui pour décrire un remix non autorisé, mais l'origine du mot est apparu au siècle dernier quand les premiers enregistrements illégaux ont été publiés. Beatles, Rolling Stones, Pink Floyd... nombreux sont les groupes victimes d'enregistrements pirates. Retour en arrière avec cet article de Daniel Lesueur sur le phénomène des bootlegs.
Les pirates de la musique ont plus de cent ans ! Le disque existe depuis 1877. Dès 1899, on commence à parler d'enregistrements illicites. Trente ans plus tard (1929), on applique le terme de bootleg au monde du disque.
Déjà, en 1909, le Congrès américain légiférait pour réprimer la prolifération de partitions musicales vendues à la sauvette. Il avait un train de retard : les disques pirates existaient déjà, et c'était eux, le véritable danger ! Aujourd'hui c'est Hadopi (devenue aujourd'hui l'Arcom) qui tente de remettre de l'ordre dans une bataille que beaucoup considèrent comme perdue d'avance.
Les enregistrements pirates existent depuis la fin du 19ème siècle
A l'époque, un bibliothécaire new -yorkais, Lionel Mapleson, enregistrait les prestations du Metropolitan Opera en dissimulant sur la scène un phonographe Edison ainsi qu'un pavillon. Trente ans plus tard (1929), dans le magazine américain Variety, on applique pour la première fois le terme de "bootleg" (produit de contrebande) au monde du disque. Mais le phénomène reste encore sporadique. En pleine prohibition, on traque moins les bootleggers du disque que les moonshiners.
Le premier label de disques pirates est lancé en 1950
C'est celui de Dante Bolletino, Jolly Roger Records, et spécialisé dans la réédition d'antiques 78 tours de jazz et de blues totalement introuvables déjà bien avant la guerre. Bolletino a l'honnêteté de ne pas faire semblant d'ignorer la loi, puisque Jolly Roger est le surnom des pirates. S'il s'était contenté de publier les enregistrements d'artistes oubliés ou inconnus, sans doute aurait-il pu continuer à "pirater" tranquillement encore quelques années. Mais il avait choisi de faire figurer à son catalogue certains enregistrements de Louis Armstrong. Là, c'était trop ! Son action ne fut toutefois pas inutile, puisque, après sa condamnation, les maisons de disques se mirent à rééditer les raretés de jazz et de blues négligées jusqu'alors.
Du titre rare au titre inédit, il n'y avait plus qu'un pas à franchir.
Ce sera fait vingt ans plus tard (1969) avec la publication de "Great White Wonder", un double 33 tours constitué d'enregistrements inédits de Bob Dylan. Après cette première victime, Beatles, Rolling Stones, Pink Floyd, Police et des dizaines d'artistes pop-rock virent leurs archives passées au crible. Et il y avait de la matière car parmi tout ce que produit un artiste, en studio ou sur scène, il est tenu de choisir, en collaboration avec sa maison de disque, ce qui verra le jour sur disque et sera ainsi donné en pâture à ses admirateurs. Le bootlegger complète cette tâche, en publiant, illégalement il est vrai, ce que l'artiste aurait voulu garder privé. Le problème n'est pas nouveau…