La guitare fait sa révolution : retour sur une histoire iconique
Rédaction : Daniel Lesueur le 13 février 2023
L'instrument n'est pas nouveau ! Bien au contraire : on en trouve trace 3 000 ans avant JC en Perse, ce qui, par la même occasion, explique son nom : en sanskrit, langue indo-iranienne, « guit » signifie musique, et « tar » désigne les cordes. Il faut en revanche se méfier de consonances proches qui peuvent induire en erreur : le sitar et la cithare, eux aussi instruments à cordes pincées (d'où risque de confusion) n'ont que peu de rapport avec la guitare : la cithare (du latin cithara) s'apparente à la lyre (il existera d'ailleurs des guitares-lyres). La cythare est d'origine autrichienne ou germanique et n'a pas de manche ; elle sera popularisée par Anton Karas qui joue le célèbre thème du film « Le Troisième Homme » de Graham Greene avec Orson Welles et qui se déroule, justement, à Vienne.
Le sitar serait plus proche de la guitare que la cithare car il est muni d'un manche, certes très long. Le sitar nous arrive de l'Inde et s'apparente au luth, comme la guitare. Le sitar nous serait peut-être aujourd'hui encore totalement s'il n'avait été popularisé en 1966 par le Beatle George Harrison qui fit découvrir au grand public l'Indien Ravi Shankar.
Un instrument récent pour l'Europe
Malgré son grand âge, la guitare ne touche l'Europe qu'au 14è siècle, arrivant en Espagne, portée par les Maures. Et encore n'est-elle pas encore véritablement « guitare » mais « vihuela ». Adoptée par la Cour d'Espagne, la vihuela est un instrument hybride, certes de la forme de la guitare telle que nous la connaissons, mais s'accordant comme un luth. On peut éventuellement en jouer avec un archet (Jimmy Page n'a donc rien inventé !) ; l'instrument s'appelle alors vihuela de arco.
De quoi la guitare est-elle constituée ?
Telle que nous la connaissons aujourd'hui, la caisse de résonance de la guitare est en trois parties : la table d'harmonie, les éclisses et le fond. Or son ancêtre la guiterne (ou quinterne lorsqu'elle avait 5 cordes) était taillée dans un seul morceau de bois.
Le chaînon manquant
Parmi les ancêtres de la guitare moderne il exista une anomalie, un précurseur vite oublié : la vandola qui, déjà, avait six cordes à la fin du Moyen Age. Mais on s'empressa d'enterrer la vandola… si bien qu'il faut attendre 1789 pour qu'un facteur d'instruments allemand nommé Naumann soit persuadé d'avoir révolutionné le monde de la musique en ajoutant une sixième corde ! En tout cas cette pseudo invention fut définitivement adoptée par tous ses confrères.
Pourquoi la guitare est-elle si populaire ?
C'est un instrument à double usage : d'accompagnement et de soliste. Elle est en outre maniable et légère. Et le fait qu'elle soit devenue électrique au vingtième siècle a beaucoup joué dans sa séduction auprès des jeunes grâces à ces Anglo-Saxons qu'on nomme « Guitar Heroes » (Jimi Hendrix, Eric Clapton et Jimmy Page constituent le trio de tête). Et une fois que les jeunes se furent emparés de la guitare, il lui accordèrent des surnoms ou même des termes argotiques hauts en couleurs. Ne soyez donc pas étonnés d'entendre deux jeunes guitaristes s'interpeller : « Prête-moi ta gratte » (c'est le terme le plus souvent employé), mais vous entendrez également « une rape », « un jambon » (notamment dans la chanson de Serge Gainsbourg, « Un violon, un jambon »), « un biniou », une « pelle ». Une pelle à tarte, sans doute, car un ustensile de cuisine bien utile pour découper les pâtes se nomme une guitare.
La guitare, un instrument de musique sympathique
A leurs tout débuts, les Beatles alors nommés Quarrymen avaient un pianiste. Ce cinquième Beatle potentiel ne connut jamais la gloire : il quitta le groupe car il ne pouvait pas trimballer son piano d'une salle de concert à l'autre. Un problème que n'a jamais connu un guitariste : un étui, une bandoulière, et son instrument ne le quitte jamais. En un mot comme en cent –pardonnez-nous le jeu de mots facile- la guitare est un instrument de musique… sympathique.
La guitare à cordes sympathiques
Ce modèle peu connu dispose d'un jeu de cordes supplémentaires placées en diagonale sous les six cordes traditionnelles. Beaucoup plus connue est la guitare folk à douze cordes.
La guitare folk… Un terme qui évoque les soirées entre amis au coin du feu, voire le musicien de rue qui, pour quelques pièces, vous jouera immanquablement « Blowin' In The Wind » de Bob Dylan. Car le poète américain contestataire, à l'instar d'un Jimi Hendrix avec la guitare électrique, a fait croire à des millions de jeunes qu'il est facile de jouer de la guitare. Et du coup l'instrument qui se trouvait dans les années 60 / 70 dans toute chambre d'étudiant a perdu de sa superbe en se démocratisant. De là à penser que la guitare n'est pas un instrument noble, il n'y a qu'un pas… mais à ne surtout pas franchir.
La guitare, un noble instrument
La guitare a inspiré de nombreux facteurs ; mais elle a surtout enchanté plus d'un prince et d'une princesse… sans compter les rois : Louis XIV adorait écouter la guitare mais se mit en tête de lui-même en jouer. A sa demande, Mazarin fit venir d'Italie un professeur réputé qui, en un an et demi, fit de son élève quasiment son égal. Est-ce à son intention que Stradivarius fabriqua un certain nombre de guitares ? L'anecdote est peu connue car, justement, elle est… anecdotique : alors qu'on connaît presque exactement combien de violons Stradivarius a confectionnés (plus de 1 000, dont 696 ont traversé les siècles) on ignore le plus souvent qu'il a également construit des guitares. Alors le nombre en est encore plus difficile à évaluer : il n'en existerait aujourd'hui que deux ou trois d'une authenticité frôlant la certitude.
Des joueurs de guitare célèbres
Hector Berlioz adorait la guitare. Notamment celle que lui avait offerte Paganini. Dans ses Mémoires, Berlioz raconte que Confucius donnait des cours de morale à l'Empereur de Chine en s'accompagnant avec une guitare ornée d'ivoire.
La guitare électrique redonne un coup de fouet à l'instrument
Sans l'électrification, Simon and Garfunkel seraient peut-être aujourd'hui encore inconnus ! Rappelons brièvement leur histoire : Paul Simon et Art Garfunkel sont nés tous les deux en 1941 à New York. Ils se rencontrent à l'école en jouant Alice au pays des Merveilles. Ils se tournent vers le folk (Bob Dylan venait d'ouvrir la voie) et enregistrent une superbe chanson, "The Sound Of Silence". Pourtant, les ventes de ce disque ne décollent pas, le public américain leur préférant Peter, Paul and Mary et Joan Baez. C'est alors qu'intervint leur producteur Tom Wilson (qui était aussi le producteur de Bob Dylan). Il eut l'idée géniale de rajouter une batterie et une guitare basse électrique sur l'enregistrement original qui était un peu trop folk, un peu trop fade car strictement acoustique. Miracle : là où la version purement folk avait échoué, la version "folk rock" se retrouva n°1 au hit-parade américain sans que Simon et Garfunkel aient même été obligé de réenregistrer la chanson. Ce fut juste un travail de studio d'enregistrement avec des musiciens payés pour une heure de travail. Un bon investissement !
Daniel Lesueur
Auteur infatigable, journaliste de la presse musicale, homme de radio, collectionneur passionné, producteur d'artistes...
Commentaires
Commentaires fermés.
Alinel Sur 14 février 2023 à 10 h 03 min
Dans le trio de tête j'aurais bien vu Jeff Beck