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La musique "globalisée" de Moon Music, dernier album de Coldplay

Rédaction : Christophe Billars le 23 octobre 2024

Cela peut sembler incroyable mais pourtant non ce n’est pas une fake news, Coldplay a déjà sorti de plutôt bons albums. Bon c’est vrai, c’était il y a longtemps, presque 20 ans en fait si l’on considère que le dernier disque écoutable du groupe date de “Viva la vida” en 2008. A l’époque, le grand Brian Eno himself était venu dompter les velléités pompières de Chris Martin et ses acolytes, ou plutôt était parvenu à les mettre au service de titres qui auraient pu, sans lui, basculer vers l’indigeste.

Depuis ? Et bien plus rien de défendable et ce n’est pas faute d’essayer. Coldplay est devenu un truc énorme programmé – rendez-vous compte – au stade de Wembley pour 10 dates consécutives l’été prochain!! À ce degré de succès, on comprend bien qu’essayer de chroniquer leur dernier album “Moon music” équivaut à souffler sur la lune pour la faire dévier de sa trajectoire.

Cependant, faisons fi du passé et écoutons ce “Moon music” nouveau.

Qui débute par “Moon music” le titre et sa longue introduction de nappes de synthé rehaussées de cordes. On se demande si on ne s’est pas fait refourguer de la musique de relaxation mais non, vérification faite c’est bien le bon disque. 1’50 plus tard, un piano surgit doucement et égrène une mélodie entendue mille fois. Puis voici l’ami Chris qui double la mélodie de piano. Au moins c’est doux, un peu joli mais sans saveur, sans idée, oubliable. Passons donc à “Feelslikeimfallinginlove” qui nous fait déjà regretter le premier titre. Si les couplets sont honnêtes, le refrain sera difficilement supportable plus de 3 fois d’affilée, taillé qu’il est pour être repris en choeur en concert avec ses pénibles “Oh-oh-oh-ooooh / Ah-la-la-la,lo-lee-lo”, ses paroles dignes de collégiens “It feels like I’m falling in love / Maybe for the first time / baby, it’s my mind / You blow/ oh-oh-oh-oooh…”.

On touche le fond avec “We pray”, gloubi-boulga mondialisé, insupportable jusqu’au bout, fourre-tout indigeste dont la recette consiste à mettre tous les ingrédients: un peu de rap, un peu de pop, des choeurs de partout, des synthés qui bavent, une touche orientale, … une espèce de burger destiné à plaire à tout le monde … potentiellement. On se demande ce que Little Simz est venue faire dans cette galère.

En comparaison la guitare acoustique qui ouvre “Jupiter” fait un bien fou. Le gentil Chris vient susurrer par-dessus mais ne peut s’empêcher de gâter la sauce encore à coup de choeurs et de vocalises. Jouer simple et sobre les gars c’est pas possible ? Faut dire que les compos sont tellement pauvres qu’il est difficile de résister à la tentation de les enrober un peu. Mais on ne cache pas la misère. Ce qui commençait comme un titre folk se termine sur des choeurs vaguement tribaux puis par des inflexions soul. Où est la direction ? Le fil ? La cohérence ?

La suite ne relève pas le niveau. “Good feelings” une espèce de funk plein de « la-la-la-la-la » n’a d’autre but que d’être un fond sonore d’une terrasse de bar sur la plage, alors que quelques estivants s'agitent mollement sur le tempo, un de ces titres sans personnalité, sans aspérité, sitôt entendu, sitôt oublié. « We fell in love in the summer / I remember, Baby, we saw the sunshine too » disent, entre autres clichés, les paroles.

« Alien hits / Alien radio », un titre en 2 parties, est peut-être le morceau le plus ambitieux de l'album. Coldplay semble se rêver en Pink Floyd des temps modernes, avec une introduction planante qui laisse malheureusement très vite place à une partie qui pèse de tout son poids, surchargée de choeurs et affublée d'une batterie massue. Mais la suite, dans une optique progressive, est plus agréable avec des parties acoustiques et des voix chantées, parlées. On ne crie pas au génie mais on salue l'intention.

Hélas, la fin de l'album retombe dans le tout-venant. « Iaam » sera repris en choeur dans les stades à n'en pas douter. Là où certains loueront le lyrisme de la chanson, je n'y entends qu'emphase, que pesanteur. « Aeterna » est une soupe digne d'un mauvais remix dance à destination des clubs, « All my love » une ballade au piano acceptable mais entendue mille fois et surtout gâchée sur la fin par les inévitables « la-la-la-la-la-la » accompagnés de cordes qui ne génèrent qu'ennui. Même topo pour « One world » qui pourtant partait plutôt bien avec son intro apaisée, parfaite pour clore un album . C'était sans compter bien entendu sur un final pompeux, gorgé de sucre et de guimauve. Il est temps que l'album se termine.

Coldplay est vraiment le groupe caractéristique de notre époque. Il produit de la musique pour tout le monde, et donc pour personne en particulier, remplit des stades de foules bigarrées, aux couleurs de l’arc-en-ciel qu’il fait vibrer positivement derrière leur sourire béat. Rien ne dépasse chez Coldplay, personne n’est choqué, blessé par leur musique ou leurs propos. Coldplay est la bienveillance même. Il n’y a pas de côté sombre, pas de provocations, tout est lisse. Coldplay produit de la musique globalisée pour un monde aseptisé et insipide. Pour le trouble, les émotions, l’expérimentation, le danger, le risque, la déviance, les félûres, bref l’humain, on ira chercher ailleurs. Par exemple chez The Smile. Mais ça ne joue pas dans la même catégorie.

Retrouvez les chroniques de Christophe Billars également sur son blog Galettes Vinyles

Auteur
christophe billars

Passionné de musique, lui-même musicien, compositeur et parolier. Sur Poptastic, Christophe livre régulièrement des critiques affûtées sur les albums d'artistes britanniques ou en rapport avec la scène musicale britannique.


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