La radio et le rock, une longue histoire... Et ça continue !
Rédaction : Poptastic Radio le 5 septembre 2019
"Je me souviens du 14 août, triste dimanche (j'avais 15 ans); mais pire encore fut le 2 mars suivant lorsque à 5 ou 6h du matin j'ai allumé la radio et... rien : les 2 bateaux de Caroline avaient été arraisonnés pendant la nuit ! Ensuite il me fallut attendre janvier 1970 pour RNI Radio North Sea."
Pour de nombreux Européens, jeunes en 1968, l'évènement marquant de l'année n'est pas les journées de mai, mais celle du 2 mars : ce matin-là, aucun son ne sort de two-five-nine, longueur d'onde légendaire de Radio Caroline. Ayant pu contacter le disc-jockey Johnnie Walker, Rock & Folk publie bientôt un article intitulé "La Mort d'un pirate" suffisamment clair pour faire comprendre aux lecteurs qu'il ne leur reste plus, pâle dédommagement, que Radio One, produit de substitution élaboré par la B.B.C., et "Fab 208", service anglais de Radio Luxembourg qui n'émet que de 19h30 à 3h du matin. Quant à Radio Veronica, ancrée au large de la Hollande... Franchement, qui a envie d'entendre parler néerlandais entre deux tubes pop ?
Par dépit, il fallait retourner aux grandes ondes. Et là, comme un mort-vivant surgissant de sa tombe sur la couverture d'un numéro de Crypt, la dure réalité de ce que l'on écoute dans l'Hexagone revenait en pleins tympans. Après avoir "décroché" de France-Inter, RTL et Europe 1 en 1964, pouvait-on considérer comme un changement significatif le fait que la chanteuse préférée des Français n'était plus Dalida mais Mireille Mathieu, et comme une véritable révolution le rock'n'roll revival et la mode rétro ? En 1968, le hit-parade a le moral en berne et, hélas, la morosité ambiante affecte autant les charts outre-Manche et outre-Atlantique que les nôtres. Ce qui ne signifie pas que mai 68 n'aura pas d'influence sur la pop music (dans quelques mois, on ne comptera plus les publicités évoquant "les évènements" : Pop Music Revolution pour CBS, Progressive Pop Revolution pour Decca, etc.) mais ses effets ne se feront pas ressentir immédiatement.
Coup de rétroviseur sur les médias
"Jacques A Dit", "Dalila"... des tubes qui n'avaient pas de raison d'être : Rosko et Gérard Klein, Campus et le Pop Club, en diffusant dès leur parution les disques venus d'outre-Manche et d'outre-Atlantique, coupent l'herbe sous le pied de ceux qui, depuis des années, se contentaient d'adapter des titres qui avaient déjà fait leurs preuves à l'étranger (on peut dès lors penser que c'est par nécessité que l'on inventera peu à peu une Nouvelle Chanson française suffisamment rythmée pour pouvoir séduire le public des moins de vingt ans en même temps que leurs parents).
Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas mai 68 qui a changé l'esprit et le contenu de la radio : le Pop Club existait depuis fin 1965, Rosko officiait sur RTL depuis le 1er novembre 1966 et Campus débarqua sur Europe N°1 en mars 1968. Tout cela (surtout Rosko qui passe à la même heure) a filé un sacré coup à l'institution Salut les copains qui semble se chercher, déconcertant parfois l'auditeur fidèle. La présence un peu trop appuyée, par exemple, de Mireille Mathieu (alors que Dalida, par exemple, a toujours été bannie de S.L.C.) n'est pas très en phase avec l'esprit pop-rock-yéyé qui a toujours prédominé. L'émission désormais s'intitule Super S.L.C. et non plus Salut les copains. Il est vrai que les sigles sont à la mode (Radio Luxembourg est devenue R.T.L. fin 1966). Au micro, c'est la valse des animateurs : Patrick Topaloff, Hubert Wayaffe, Monty... Aucun, pourtant, n'a le charisme de Daniel Filipacchi, de moins en moins présent. L'émission, qui a du plomb dans l'aile, disparaîtra en 1969. "Dix ans, ça suffit" : un slogan à la mode en mai 68. C'est aussi la durée de vie de l'émission-culte. Et Rosko, cette fois, n'y est pour rien : en bon Américain qui sait que le Parti communiste français est très influent, il est persuadé que les Russes sont aux portes de Paris. Il ne reprendra pas l'antenne à la fin des "évènements".
Super S.L.C., Gérard Klein, Campus et le Pop Club passent une bonne dose de pop anglo-saxonne. En règle générale, les programmateurs, à qui on n'a pas encore imposé des quotas de chanson française, peuvent piocher dans la marmite anglo-saxonne qui reste intéressante, même si, en mai 68, elle n'est pas au top.
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