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La sélection des albums sortis en février 2025

Rédaction : Christophe Billars le 1 mars 2025

En 4ème vitesse, les albums sortis en février 2025

Outre le fait que février est le mois de mon anniversaire, ce dont tout le monde ici se fiche éperdument avec raison, on va voir que ce 2ème mois de l'année 2025 recèle son lot de sorties d'artistes de gros calibre.

Mais février, qui peut évoquer la fin d'un long hiver ou l'amorce du printemps, a lui aussi inspiré certains artistes. On pense tout d'abord au titre « Xmas In February » extrait du somptueux album de Lou Reed « New York » (1989), dans lequel il évoque le Vietnam et ses ravages. Plus près de nous, en 1997 sur l'album « The Colour And The Shape », les Foo Fighters sonnent comme du Weezer au ralenti sur « February Stars » avant, de faire rugir les guitares sur la fin du morceau. Par chez nous, Maxime Le Forestier s'était essayé dans « Février De Cette Année-Là » à évoquer le mois de sa naissance en 1949 sur l'album « Le Steak » (1973). Mais on gardera surtout en mémoire, extrait du merveilleux premier album de Dominique A « La Fossette » (1992), sa chanson « Février », parfaite jusque dans sa fragilité.

Février s'isolait
Hésitait à rester
Parfois même il pensait
Mettre un terme à ses jours
Février va passer
Et je n'aurai rien fait
Jusque-là tout va bien

Donc en effet, il est temps que je me bouge car moi non plus je n'ai encore rien fait et février va passer. D'autant plus que le mois s'avère riche en sorties.

tunng love you all over again

Tunng – Love You All Over Again

Tout est bon chez Tunng. Que ce soit chacun de leurs 7 albums précédents mais également les « Side Projects » de leurs deux membres fondateurs respectifs, les britanniques Sam Genders et Mike Lindsay. Nous avons déjà croisé ce dernier dans ces colonnes ici, à l'occasion de sa collaboration avec Laura Marling à savoir l'album « Animal » de Lump. Il faut également écouter son excellent album solo « Supershapes Volume 1 » (2024) en collaboration avec Anna B. Savage pour avoir une idée plus précise de son travail.

Quant à son compère Sam Genders, on le retrouve dans le groupe Diagrams. Il suffit de jeter une oreille au sublime « Under The Graphite Sky » extrait de l'album « Dorothy » (2016), ici en live, pour se convaincre du talent du monsieur.

Mais recentrons-nous sur le cœur du travail des 2 artistes à savoir leur groupe Tunng et en particulier sur leur parfait 8ème album « Love You All Over Again » qui apparaît comme la quintessence de leur production, et d'ores et déjà un des grands disques de cette pourtant toute jeune année 2025.

Au menu, 10 titres au sein desquels on serait bien en peine de trouver un moment faible tant ces compositions subtiles s'insinuent en nous de plus en plus profondément au fil des écoutes suscitant des émotions sans cesse renouvelées et intenses. Tunng porte ici à la perfection le genre qu'il défriche depuis longtemps, à savoir un mélange de folk et d'électronique auquel on a donné le nom de Folktronica. Les recherches sur les sons, les textures, les voix sont ici impressionnantes mais c'est un travail d'artisans, d'amoureux de l'objet peaufiné jusqu'au moindre détail qui, au final, ne conserve plus aucune trace des efforts consentis et se résume à l'essentiel. Les 10 titres dont l'instrumental « Drifting Memory Station » nous emportent ainsi, confortablement installés dans une bulle sensorielle, où les multiples sons remplissent notre cerveau et c'est un enchantement.

Depuis l'ouverture « Everything Else » jusqu'au dernier morceau, instrumental lui aussi, « Coat Hangers », les merveilles s'enchainent.

Il faut écouter au casque l'exceptionnel « Didn't Know Why » pour profiter pleinement des arrangements mi acoustiques/mi-électroniques, de ces voix enveloppantes et enchevêtrées, prendre le temps de s'arrêter pour se laisser envahir par « Snails », aux guitares comme de l'eau vive, à la mélodie belle à pleurer.

Plus loin « Deep Underneath » et ses guitares qui cheminent parfois côte à côte, parfois se croisent, se doublent est un sommet. Et que dire du chef d'oeuvre qu'est « Levitate A Little » ? Il s'agit là d'une des plus belles chansons entendues depuis longtemps, désarmante de simplicité et d'évidence, dont la mélancolie provoque les frissons à chaque fois. « Levitate a little / So that we don't touch the ground», paroles qui décrivent exactement l'effet produit par le titre.

« Yeekeys » avec son rythme de jeu vidéo haletant et ses choeurs célestes ne faiblit pas dans la dernière ligne droite passant le relais à « Coat Hangers », un instrumental bourré de bribes de conversations comme si on avait laissé le micro ouvert dans la pièce principale de la maison, d'une guitare acoustique, d'une flute accentuant encore l'aspect « fait maison » d'un album qui confirme le talent de ces musiciens toujours inventifs au son immédiatement reconnaissable. Et cela n'est pas donné à tout le monde.

sharon van etten the attachment theory cover

Sharon Van Etten & The Attachment Theory

C'est avec un groupe, celui qui l'accompagne sur scène, que l'américaine du New Jersey Sharon Van Etten, artiste consacrée après 7 albums en solo, revient en ce début d'année 2025. Sur ce premier album collectif, le groupe lorgne vers des sonorités de la new wave des années 80, mariant les instruments traditionnels du rock avec des éléments plus électroniques.

« Live Forever » débute d'ailleurs par une pulsation électronique qui installe une ambiance sombre tranchant avec la voix claire de Sharon qui vole dans les aigus. Le morceau est ample et monte en intensité. Sur « Afterlife » Sharon prend des airs d'Annie Lennox sur un morceau très 80's qui rappelle Eurythmics. La basse y tient un rôle central comme dans le premier morceau. On retrouvera l'influence du duo Stewart / Lennox sur « Something Ain't Right » – un des meilleurs titres de l'album. La boucle de clavier tournoyante, l'énorme basse, les guitares à la New Order et Sharon qui prend des intonations soul lui apportent sa profondeur et son intensité. Dans « Idiot Box », les guitares sont mises en valeur sur ce titre qui accélère le rythme et fait vraiment décoller l'album. On n'est pas très loin d'Arcade Fire dans la capacité à faire monter la sauce émotionnelle.

Mais le groupe sait aussi se faire sensuel sur le superbe « Trouble » - une complainte nocturne qu'un piano entêtant accompagne - dans lequel Sharon prend une voix féline et susurre pour nous. « Fading Beauty » débute par une dérive en apesanteur dans l'espace avec une pulsation synthétique, des notes éparses de piano, des poussées de claviers, la merveilleuse voix de Sharon et des cymbales qui contribuent à créer cette superbe atmosphère à la fois ténue et rassurante durant les 6 minutes de cette odyssée spatiale. C'est à un croisement entre les Talking Heads et Siouxsie And The Banshees que l'on pense sur « I Can't Imagine (Why You Feel This Way) » avec cette basse noueuse et quasi disco qui nous ramène aux début des 80's.

Bien sûr « Indio » titre noisy pop qui aurait pu sortir dans les 90's avec ses guitares acides et la voix vaporeuse manque quelque peu de caractère, « Southern Life » est un titre un peu pataud et « I Want You Here » dont les 6'29 semblent beaucoup trop longues est un peu laborieux, mais malgré ces moments d'une faiblesse toute relative « Sharon Van Etten & The Attachment Theory » devrait enchanter vos platines.

anna b savage you i are earth

Anna B. Savage – You & I Are Earth

Décidément, le folk semble ne jamais s'être aussi bien porté et ces temps-ci, il s'accorde particulièrement au féminin. On a déjà croisé dans ces colonnes la néo zélandaise Aldous Harding, les britanniques Laura Marling et Flora Hibberd auxquelles on pourrait ajouter l'américaine Adrienne Lenker de Big Thief qui toutes modernisent le genre tout en restant ancrées dans la tradition. Il faut aussi compter sur Anna B. Savage, native de Londres mais domiciliée en Irlande, dont la pochette du 3ème album « You & I Are Earth » fait furieusement penser à une autre, fameuse, du grand Alain Bashung pour sa « Fantaisie Militaire » (1997).

Pas d'électronique ici mais des arrangements acoustiques d'une richesse incroyable. Sont convoqués cuivres et vents, guitares aux sonorités boisées qui contribuent à créer un lyrisme jamais emphatique et à susciter l'émotion avec peu à l'instar d'un Sufjan Stevens.

Dès « Talk To Me », un folk chaleureux aux vagues de guitares acoustiques, la voix très présente et douce d'Anna toute en subtiles modulations, nous fait entrer de la plus belle des façons dans l'album. Sur « Lighthouse », on entend les vagues, les mouettes puis Anna chante « I come from a line of lighthouse keepers / We're happy alone with the sea ». Les choeurs sont comme de doux flux et reflux, la batterie tient la barre sur cette mer de toute beauté. Grand titre. « Donegal » est encore un morceau magnifique, profond, aux arrangements qui constituent un véritable écrin à cette déclaration d'amour à la ville irlandaise qui lui donne son nom.

Ode à la nature et à sa beauté, l'album est un condensé de simplicité – c'est-à-dire par sa capacité à aller à l'essentiel - loin des turpitudes vaines du show biz, des buzz de toutes sortes. Il suffit d'écouter le très beau « You & I Are Earth » qui fait entendre des vents et des cordes pour s'en persuader. Le calme qui se dégage de ce disque apaisant à l'image de « The Rest Of Our Lives » qui le conclut est un baume qui n'est pas prêt d'atteindre sa date de péremption.

« We've the best of both worlds / And the rest of our lives »

fka twigs eusexua

FKA Twigs – Eusexua

Une pulsation électronique sourde, une boucle spiralée et la voix haut perchée de Tahliah Debrett Barnett alias FKA Twigs qui retentit, suspendue, céleste, telle une Beth Gibbons cybernétique : « Wonder how you feel / Words cannot describe / This feeling deep inside / King-sized I'm vertical sunrised / Like flying capsized / Free I see you are », au début du morceau qui donne son nom à son 4ème album studio « Eusexua ». Sur ce titre magique, elle développe une idée de la plénitude, d'une euphorie à la fois sexuelle et spirituelle. Elle, l'ex-danseuse au corps longiligne, née d'un père jamaïcain et d'une mère espagnole, se retrouve à la pointe de la modernité. Le corps est d'ailleurs le thème principal de ses clips ultra léchés.

Elle dit avoir été très marquée par la culture techno et rave de l'Europe de l'Est où elle a séjourné quelques temps. Cet album en est le résultat et c'est impressionnant. Aussi aventureuse que Björk, efficace que Madonna, elle se situe à la croisée des chemins entre une musique avant gardiste et à la fois accessible au commun des mortels. Les textures sonores d'une grande variété, les beats, redoutablement efficaces, parfois vrillés, concassés, hachés, se marient parfaitement avec cette voix capable des plus grandes voltiges.

Et les réussites s'enchaînent les unes après les autres, avec le tubesque « Girl Feels Good » comme Madonna n'en fait plus depuis longtemps. Sur « Room Of Fools », titre hyper entrainant, FKA Twigs balance « It Feels Nice » comme une ode à la joie et à la danse à laquelle la musique invite comme sur le sautillant « Childlike Things ».

Mais l'album recèle des perles plus sombres et mélancoliques, souvent dépouillées telles « Keep It Hold It », heureux mariage entre Kate Bush et Laurie Anderson qui prend un coup de chaud en son milieu. « Sticky » et « 24Hr Dog » sont des morceaux atmosphériques traversés de sons électroniques tandis que « Wanderlust » clôt l'album sur un quasi guitare / voix, cette dernière sur le fil, dans les aigus, trafiquée, exprimant ce besoin d'autre chose, de mouvement, de découverte et d'exploration qui résume parfaitement cet album tellement passionnant qu'on lui pardonnera sa petite faute de goût qu'est « Perfect Stranger », scie un peu pénible.

bonnie prince billy the purple bird

Bonnie « Prince » Billy – The Purple Bird

Qui se souvient qu'au milieu des années 90, sous le nom de Palace Brothers puis Palace Music puis simplement Palace, Will Oldham, la natif du Kentucky, a sorti une tripotée de singles, de maxis et d'albums près de l'os, d'un folk décharné mais ô combien générateur d'émotions fortes, labourant les terres de l'americana chères à Neil Young ? Pas grand monde peut-être. Oldham a ensuite sorti des albums sous son propre nom avant d'adopter celui de Bonnie « Prince » Billy pour le chef d'oeuvre « I See A Darkness » (1999), un album d'une beauté absolue, dont Johnny Cash reprendra la chanson éponyme sur son disque « American III : Solitary Man » (2000).

Il continue, imperturbable, de redonner une jeunesse éternelle à la folk et à la country sur ce nouveau disque enregistré à Nashville. Sa musique est celle de l'Amérique que l'on aime, bien loin des fous furieux au pouvoir, ancrée dans sa tradition et dans un classicisme jamais rance ni rétrograde bien au contraire. Parfaitement en adéquation avec son temps, Will Oldham travaille en artisan de la chanson dont il est un orfèvre. L'album reste mélancolique mais est traversé par une lumière qui vient d'arrangements où trouvent leur place des violons, une pedal steel, une batterie chaude et boisée, des harmonies vocales superbes, du piano et le tout au service de chansons magnifiques. Et pour que les choses soient claires, il suffit de lire les paroles de « Guns are for cowards » littéralement « Les armes sont pour les lâches » pour comprendre qu'on n'est pas ici très copain avec la galaxie MAGA : «À qui tireriez-vous une balle dans la tête ? / À qui tireriez-vous dans le dos ? / Et le laisser saigner sous la pluie ? / À qui tireriez-vous une balle dans la jambe ? / Combien de fois dans le cou ? / Sur qui tireriez-vous et comment vous sentiriez-vous alors ? »

Les titres s'enchainent, apaisés, majestueux depuis « Turned To Dust (Rolling On) » en ouverture comme une évidence ou encore le somptueux « London May » qui le suit et a tout d'un classique.

« The Purple Bird » est fait pour durer, indémodable. Trump sera relégué aux oubliettes de l'histoire qu'il sera encore là, dans nos discothèques, en fier étendard de l'Amérique.

saya gray saya

Saya Gray – Saya

Et dire qu'il fut un temps où la musique pop rock était un domaine quasi exclusivement masculin! Il suffit de lire cette chronique pour constater à quel point les choses ont changé. Et pas seulement en quantité. Avec cette révélation du premier album de Saya Gray, on peut penser qu'on tient là une artiste qui va compter tant le niveau est élevé.

Cette jeune femme de 29 ans, multi instrumentiste, est née d'une mère japonaise et d'un père canadien. Derrière sa pochette aux faux airs de Björk, se cache une musicienne inspirée, avide d'explorations sonores, déjà responsables de 2 EP. Ici, la richesse des compositions se marie parfaitement à une pop raffinée aux inspirations folk mais parasitée par des sons électroniques qui jamais n'occultent la lumière qui en émane. Saya, sur des mélodies accrocheuses, virevolte de sa voix cristalline souvent accompagnée d'une guitare slide du plus bel effet.

Au final, 10 titres d'une fraicheur revigorante se succèdent avec une cohérence et une homogénéité à toute épreuve. On s'enthousiasme devant « Shell (Of A Man) » titre countrysant idéal pour commencer une journée de la plus belle des façons. Le refrain enchanteur de « Puddle (Of Me) » vous donnera le sourire et « How Long Can You Keep Up A Lie ? » vous propulsera dans les nuages tant Saya Gray, dont la voix ici légèrement trafiquée, s'y promène avec aisance relayée par une guitare slide alanguie. Jusqu'à la fin, l'album est remarquable. Il se termine sur 2 titres de haute volée : l'impressionnant « Exhaust The Topic » d'abord qui marie pop-folk et électronique avant de se terminer dans une envolée électrique somptueuse. Et enfin « Lie Down » et son beat électronique massue et mat contrastant avec la voix haut perchée de Saya Gray et la guitare slide qui s'envole. Les pieds au sol, la tête dans les étoiles et un avenir qui s'annonce radieux.

Il est temps de conclure ce « En 4ème Vitesse » au terme d'un mois de février très riche en sorties de qualité. On se retrouve dans un mois … au printemps.

Auteur
christophe billars

Passionné de musique, lui-même musicien, compositeur et parolier. Sur Poptastic, Christophe livre régulièrement des critiques affûtées sur les albums d'artistes britanniques ou en rapport avec la scène musicale britannique.


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