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La sélection des albums sortis en mars 2025

Rédaction : Christophe Billars le 1 avril 2025

Ce ne sont j'imagine ni Bruno, ni Thomas qui diront le contraire, mars n'est pas n'importe quel mois. Un dieu (dont on aimerait bien qu'il se calme ces temps-ci) porte son nom, une planète ô combien fantasmée porte son nom, et puis bien entendu c'est le mois du printemps.

Côté artistes, outre Bruno et Thomas sus-cités, plusieurs groupes l'ont choisi comme enseigne dont The Mars Volta. Côté compositions, on note que Nick Cave et son compère Warren Ellis ont écrit la B.O quasi instrumentale de la série documentaire du National Geographic « Mars » consacrée à la planète. « Mars » est aussi le titre final de l'album « Cool It Down » (2022) des Yeah Yeah Yeahs et de « Television » (1992) du groupe éponyme de Tom Verlaine. C'est par contre le morceau qui débute « Interstellar Space » (1974) d'un John Coltrane en pleine échappée free jazz satellisée.

Voilà donc pour le florilège mais c'est bien du mois de mars 2025 dont il est question ici et de ses sorties d'albums.

The Murder Capital – Blindness

the murder capital – blindness

C'est un véritable mur du son, brut, compact, qui prend à la gorge l'auditeur sans le laisser respirer sur « Moonshot », le premier titre du nouvel et troisième album du groupe de Dublin emmené par James Mc Govern, The Murder Capital. Tout à l'autre bout de l'album, c'est avec « Trailing A Wing », sublime ballade intense et dépouillée que la voix ténébreuse de James McGovern magnifie, que l'on quitte ce « Blindness » de haute volée, qui pourrait bien être pour The Murder Capital ce que « Romance » fut l'an dernier à leurs compatriotes de Fontaines D.C., une marche vers un succès massif. Entre ces deux titres, entre l'énergie brute et froide de l'un et la douceur vénéneuse de l'autre, « Blindness » vole à très haute altitude, alternant le chaud et le froid, emmenant l'auditeur sur des montagnes russes émotionnelles.

En effet, et même si « Blindness » est encore peut-être un peu trop sans concession pour être consensuel, ce cap du troisième album marque indéniablement la réussite magistrale du groupe de post punk irlandais. On voltige de titres d'une intensité phénoménale, portés par un James McGovern incroyable de présence et un son à la fois puissant et intense qui évoque aussi bien Idles que Fontaines D.C. à leur meilleur, à des morceaux apaisés et sublimes tels « Swallow » adoubé par Nick Cave lui-même dont The Murder Capital a assuré la première partie sur sa dernière tournée avec les Bad Seeds.

Pas un seul temps faible depuis les tubesques « Words Lost Meaning » et son refrain imparable, « Can't Pretend To Know » et son intensité stratosphérique, le quasi pop « A Distant Life » qui pourrait être un titre de Blur, « The Fall » et ses guitares comme des sirènes de fin du monde ou encore le phénoménal « Death Of A Giant » en hommage à Shane McGowan.

Mais on l'a vu avec « Swallow » et « Trailing A Wing », The Murder Capital sait aussi faire dans la douceur sans jamais être ennuyeux, bien au contraire. Au beau milieu de « Blindness » trônent les 6 minutes de « Love Of Country», grande chanson malade et fragile à l'instar de la pathologie qu'elle dénonce : le nationalisme infectant nos sociétés : « Could you blame me for mistakin' your love of country for hate of men? / Pourriez-vous me reprocher d'avoir confondu votre amour du pays avec la haine des hommes ? »

Edith Frost – In Space

edith frost in space

Edith Frost, comme sa musique, sait prendre son temps. « In Space » est le premier album de la musicienne originaire d'Austin au Texas depuis 2005. 20 ans pour réaliser un nouvel album, c'est dire si son autrice semble bien loin des préoccupations du business de la musique. Elle avoue avoir vécu toutes ces années passées avec un TDAH non diagnostiqué qui l'a empêchée de continuer sa carrière.

Depuis, grâce à un traitement adapté, la voici de retour. Et quel retour ! Personnellement, je la découvre avec ce 5ème album et c'est un émerveillement. Ces 12 titres, enregistrés au Loft, le studio de Wilco à Chicago, s'imposent avec la force de l'évidence tant leur beauté, leur simplicité et la précision de leurs arrangements sont enchanteurs.

« Can You Hear Me ? » chante Edith Frost dès l'apaisant et lumineux « Another Year », cocon ouaté de douceur, avec son clavier moelleux, une guitare aussi discrète qu'essentielle et cette voix cotonneuse, légèrement trainante, aussi capable de monter dans les aigus. Ce titre magnifique est le premier d'une série quasiment sans moment faible. L'album emprunte au folk mais aussi au rock comme sur l'excellent « Nothing Come Around » ou encore « Hold On » à la mélodie imparable, où une guitare électrique lui apporte une ossature plus rigide. On retrouve quelque chose des 60's psychédéliques sur « Little Sign » qui pourrait ressembler à du Jefferson Airplane en moins barré.

Mais c'est sûrement sur les titres les plus lents qu'Edith Frost touche au sublime comme sur « What A Drag » chanté à deux voix, troué de quasi silences pour broder une dentelle de haut vol. « In Space » est, comme son nom l'indique, en totale apesanteur, porté par des vagues de synthés, des accords de koto (une harpe japonaise) et une voix comme des vents solaires. « Take the mother / Take the song / Give them a place to belong » chante-t-elle sur la merveilleuse « Something About The War » aux faux airs de chanson engagée écrite comme une réaction épidermique : « Je l'ai écrite quand ces crétins anti-immigrés de notre gouvernement ont décidé que c'était cool de séparer les enfants de leurs familles. Ça m'a dévorée toute crue.» dit-elle pour en expliquer la genèse. On retrouve cette colère sur « The Bastards » avec ces vers sans ambiguïté « Our funny world has gone away
We let the bastards get in our way ».

L'album se termine par la ballade mélancolique et acoustique « Still Love You » aussi belle que l'arrivée du printemps et qui ne donne qu'une envie : remettre l'album au début. Grand disque de ce début d'année, « In Space » est un must.

Panda Bear – Sinister Grift

panda bear – sinister grift

Coïncidence que la sortie de cet album de Noah Lennox alias Panda Bear, au moment où est publiée dans ces pages ma chronique sur son groupe d'origine Animal Collective. En effet, il mène en parallèle de son groupe une carrière solo qui compte déjà 7 albums à son actif. Dernier en date, « Sinister Grift » tranche assez nettement avec les productions d'Animal Collective mais également avec les précédents albums de Panda Bear. Il s'agit sans aucun doute de l'album le plus immédiatement accessible de toute sa discographie tant il s'éloigne ici de la pop expérimentale électronique souvent vrillée, tordue qui était sa marque de fabrique et celle de son groupe pour aller vers une pop solaire et lumineuse.

Il suffit de lancer le premier titre de l'album « Praise », titre très pop, avec sa batterie qui claque, ses guitares, ses choeurs, ses voix doublées et sa mélodie addictive pour le constater. C'est l'esprit des Beach Boys qui plane et que l'on va retrouver tout au long de l'album avec ses mini cathédrales sonores ensoleillées. L'autre aspect surprenant et la couleur exotique de nombreux titres du disque. Rythmiques reggae dub et inspirations africaines sur d'autres rappellent le travail de Vampire Weekend en particulier sur l'enlevé « Ferry Lady » ou encore « Ends Meet » ou « Just As Well ».

Cependant, la mélancolie affleure toujours derrière la façade enjouée et c'est, en particulier sur la deuxième partie de l'album, celle que je préfère, que le ton s'assombrit quelque peu sur des titres absolument magnifiques. Impossible de se lasser de « 50 Mg » premier sommet du disque ainsi que de « Venom's In » tout en retenue. Mais ce sont les trois derniers morceaux de l'album qui en constituent le climax émotionnel. « Left In The Cold », dans lequel on entend les doigts frotter les cordes, est une somptueuse ballade nocturne, parasitée par des sons étranges, la voix éthérée de Noah Lennox traverse le titre comme dans un rêve. « Elegy For Noah Lou » est une chanson d'amour d'une beauté quasi surnaturelle, qui rappelle les Fleet Foxes, la voix de Noah accompagnant une guitare qui ressasse les mêmes accords et baignant dans un inquiétant fond sonore indéfinissable. On termine sur « Defense » chanté avec Cindy Lee (Patrick Flegel dans la vraie vie), imparable dernier morceau du disque truffé de guitares extraordinaires. On en redemande.

Steven Wilson – The Overview

steven wilson – the overview

J'ai découvert Steven Wilson sur le tard, plus exactement en 2017, avec son excellent album « To The Bone ». Je me suis empressé de me procurer le suivant « The Future Bites » en 2021, tout aussi excellent, avec ses titres d'une pop sophistiquée et nerveuse, ultra accrocheuse. Mais Steven Wilson a aussi un passé fourni avec un groupe, Porcupine Tree, et là j'avoue que je suis beaucoup plus sceptique, rebuté par ce rock progressif aux inflexions parfois metal, synonyme pour moi d'indigestion et de lourdeurs d'estomac.

Voici qu'aujourd'hui « The Overview », 8ème album solo du musicien anglais, s'installe sur ma platine.

Il semble qu'avec ce disque, Wilson revienne à ses premières amours. En effet, il coche toutes les cases du rock progressif made in 70's. 2 morceaux (1 par face) respectivement de 23 et 18 minutes chacun, découpés en 6 parties pour le premier « Objects Outlive Us » et 4 pour le deuxième « The Overview », parties qui s'enchainent quasi sans interruption tout en évoluant « progressivement » donc. Comme tout album de prog rock qui se respecte, il est construit autour d'un concept. Ici il est fait référence à l'overview effect qui, parait-il, touche les spationautes qui contemplent pour la première fois la Terre vue de l'espace. Va pour le concept. Notons cependant que les paroles de « Objects Outlive Us » sont signées par l'XTC Andy Partridge. Le rock progressif porte dans ses gênes son ambition démesurée, qui confine souvent à l'emphase, ce qui fait que je n'ai jamais pu écouter en entier un album de Yes ou de King Crimson sans être totalement écoeuré par ces nourritures trop riches, trop grasses.

Cet album n'est pas exempt de ces moments trop chargés, en particulier dans certains passages de « Objects Outlive Us » quand une phrase musicale est répétée à l'envi, une couche instrumentale s'ajoutant à chaque fois jusqu'à ce que la sauce tourne quelque peu « parties 2 et 4 » ou bien quand la technique indiscutable des musiciens prend le pas sur la mélodie et l'émotion « partie 5 : Cosmic Sons Of Toil ». Cependant, Steven Wilson parvient, peut-être grâce à l'expérience des albums précédents plus pop, à globalement éviter l'indigestion. « Objects Outlive Us » recèle de beaux moments en apesanteur comme le solo de guitare ultra référencé 70's de sa dernière partie ou certains passages rappelant le Genesis de Peter Gabriel.

Mais c'est surtout sur le deuxième morceau « The Overview » qu'il tire son épingle du jeu. Après « Perspective », une introduction électro où l'épouse de Steven Wilson donne de la voix, on entame une odyssée que je qualifierais de Floydienne tant on a souvent l'impression que le Flamand Rose période « Wish You Were Here » (1975) rode, en particulier sur la partie 2 « A Beautiful Infinity ». On a connu pire référence. Ce n'est pas aussi beau que « Shine On You Crazy Diamond » mais ça tient quand même bien la route. La partie 3 baisse en intensité mais la dernière change totalement d'atmosphère. En effet le superbe « Permanence » ne déparerait pas sur un album de nu jazz, à la Bugge Wesseltoft ou Nils Petter Molvaer, ces pionniers des greffes entre la musique électronique et le jazz. Alors si comme moi, vous êtes allergiques à ces albums prog indigestes, « The Overview » devrait vous réconcilier en partie avec le genre. J'irai vérifier de visu ce que ça donne en live, à la Bourse du travail à Lyon au mois de mai.

The Horrors – Night Life

the horrors – night life

Terminons ce « En 4ème Vitesse » du mois de mars sur une note sombre avec « Night Life », le 6ème album du fascinant groupe de Faris Badwan, originaire de Southend-On-Sea en Angleterre, The Horrors.

Fascinants, The Horrors le sont à plus d'un titre. Depuis que je les ai découverts en 2009 avec l'album « Primary Colours », gorgé de guitares sales et torturées, puis avec l'immense et beaucoup plus atmosphérique « Skying » (2011), avec « Luminous » (2014) et enfin sur le cataclysmique « V » (2017) qui dynamitait la new wave, ils ont su évoluer sans jamais se répéter. « Night Life » n'échappe pas à la règle et surprend par sa direction sonore.

Nappe synthétique enveloppante, bruits électroniques et voix chaude et grave de Faris Badwan constituent la matière du formidable « Ariel » placé en ouverture, mais aussi du très beau « Lotus Eater » et les rapprochent nettement de Depeche Mode. En effet, c'est à une électro pop aux inflexions parfois gothiques, puisant ses racines dans la new wave des 80's que « Night Life » s'apparente. L'atmosphère est sombre, très sombre même comme sur « Silent Sister », avec son rythme froid et hallucinatoire qui devient sauvage sur le refrain quand les guitares découpent la nuit. Même impression sur le puissant « Trial By Fire » mais aussi la sensation que ces deux titres « surjouent » un peu l'ambiance dark, comme s'ils n'étaient qu'un exercice de style.

L'album me semble autrement plus intéressant quand il ne semble pas forcé, quand la qualité des titres se suffit à elle-même, autrement dit quand le fond gagne sur la forme. C'est le cas avec les deux meilleures chansons de l'album que sont « The Silence That Remains » et surtout la 9ème et dernière « LA Runaway », formidable tube new wave en puissance qui n'est pas sans évoquer la face la plus sautillante de The Cure en particulier « Just Like Heaven ». Ici, tout semble couler de source, on peut même se sentir des fourmis dans les jambes comme au meilleur de Depeche Mode donc.

Au final, même s'il n'atteint pas l'excellence tout le temps, « Night Life » ravira les amateurs du genre, ceux qui préfèrent l'ombre à la lumière. Et j'en suis.

Mais il est temps de nous quitter. On se retrouve dans un mois, le temps de vérifier si effectivement, en avril, il vaut mieux ne pas se découvrir d'un fil.

Auteur
christophe billars

Passionné de musique, lui-même musicien, compositeur et parolier. Sur Poptastic, Christophe livre régulièrement des critiques affûtées sur les albums d'artistes britanniques ou en rapport avec la scène musicale britannique.


Commentaires
  1. Guillaume   Sur   1 avril 2025 à 19 h 05 min

    To The Bone et The Future Bites sont sont doutes les deux plus faibles disques de Steven Wilson (ça n'engage que moi bien sûr) ; par contre, je trouve que tout ce qu'il a fait avant, y compris avec Porcupine Tree, relève du génie.

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