Il est des disques qui se rattachent à une période de notre vie, qui, dès que leurs premières notes résonnent, renvoient immanquablement toujours les mêmes images, les mêmes sensations de l'époque où nous les avons croisés pour la première fois.
Étant né un tout petit peu trop tôt, je n'eus pas la chance de faire partie de ceux pour qui le service militaire - « l'armée » - allait bientôt n'être définitivement plus qu'un truc auquel ils auraient eu la chance d'échapper. En ce qui me concerne, on me proposa, à cheval sur 1992 et 1993, un séjour de 10 mois, au lieu des 12 d'avant, une réduction de peine en somme, dans une base aérienne juste aux portes d'Aix en Provence. 10 mois d'ennui profond durant lesquels la sortie de nouveaux albums faisait office d'événement, durant lesquels également je découvrais les romans de James Ellroy. Mais c'est une autre affaire. Car l'album qui nous intéresse ici, avait été précédé d'une rumeur des plus élogieuses, de celles qui attisent le désir. Je me rappelle encore l'achat fébrile du CD de « New Wave », au début de 1993, premier album d'un groupe anglais inconnu, pompeusement nommé The Auteurs, avec sa pochette noir et blanc représentant le portrait daté d'un homme mystérieux à la fine moustache, qui fixe l'objectif, tout de noir vêtu, sauf un turban blanc qui enveloppe sa tête et retombe sur ses épaules. Et je me rappelle bien sûr la première écoute, quand chaque titre passé, on se dit que ça va s'arrêter là, qu'on ne peut pas tenir un tel niveau sur un album entier. Et que ça ne s'arrête pas.