Mes disques de A à Z : The Beatles "Let It Be" 1970
Rédaction : Christophe Billars le 12 novembre 2022
Paul McCartney le voulait comme un antidote à l'ambiance délétère qui minait le groupe en prenant le contre-pied des disques précédents à savoir des chansons jouées live, sans retouches en studio, pour retrouver la simplicité des débuts et peut-être ainsi une entente qui lui faisait désormais défaut. Cet aspect-là sera un échec, on le sait, puisqu'à la sortie de l'album, le groupe est officiellement dissous. En effet, McCartney a déjà sorti son premier album solo « McCartney », Lennon s'apprête à publier en décembre « Plastic Ono Band » et Harrison le fantastique « All Things Must Pass » en novembre de la même année. En d'autres termes, les dés sont jetés et « Let It Be » ne changera rien à l'affaire. La pochette ne montre-t-elle d'ailleurs pas les membres du groupe chacun dans leur cadre, séparé des autres ?
Enregistré lors des sessions filmées par Michael Lindsay-Hogg, il donnera lieu au fameux concert sur le toit du 30 janvier 1969, dernière apparition des Beatles en live, durant lequel certaines chansons de « Let It Be » seront enregistrées. « Abbey Road » sort en 1969 et le destin de « Let It Be » semble être scellé. Cependant la maison de disque confie à Phil Spector le soin de récupérer les bandes afin de les produire en vue d'une sortie. La version Spector, on le sait, rendra McCartney fou de rage qui d'ailleurs publiera en 2003 la version « despectorisée » appelée « Let it be … Naked ». On retrouve l'album débarrassé de tous les ajouts effectués par Spector en particulier les cordes.
Mais oublions l'Histoire, oublions les conflits et concentrons-nous sur le « dernier » album du plus fameux groupe de tous les temps.
Il débute par « Two Of Us », titre principalement acoustique, légèrement countrysant et assez enlevé que Spector fera débuter par une phrase absurde de Lennon. Sans être exceptionnelle, la chanson est agréable et gagne à la réécoute. « Dig A Pony » signée John Lennon est un blues un peu balourd loin des sommets Beatlesiens. Il n'en va pas de même avec la superbe « Across The Universe » toujours de Lennon, habillée de chœurs et de cordes par Spector et dont la mélancolie est intacte. La chanson est enfin digne du groupe et fait véritablement décoller l'album. Le titre suivant « I Me Mine » est signé Harrison. S'il ne figure pas selon moi dans les sommets de ses compositions, c'est principalement à cause d'un refrain quelque peu pesant. On peut lui préférer sa version « Naked » raccourcie et débarrassée de ses cordes et peut-être encore plus son ébauche dans le film « Get Back », visible sur Netflix, quand Harrison vient la présenter aux trois autres. « Dig It » qui suit n'est que l'extrait de 50 secondes d'un bœuf entre les musiciens et ne présente pas d'intérêt.
On en arrive au plat de résistance, au titre qui fait que « Let It Be » passera quand même à la postérité avec la chanson éponyme signée McCartney. Dernier single du groupe et chef d'œuvre de son auteur, elle est l'archétype de la chanson immortelle et universelle. Qui ne l'a pas fredonnée au moins une fois dans sa vie même en cachette pour ceux qui trouvent l'ami Paulo trop mou ou pas assez rock ? On ne discute pas « Let It Be », elle s'impose pour l'éternité. Je lui préfère je crois sa version « Naked » où le solo très rock d'Harrison est remplacé par un autre plus en accord avec l'atmosphère de la chanson.
“Maggie Mae” est une reprise de 40 secondes d'une chanson traditionnelle de la région de Liverpool et ne présente pas plus d'intérêt que la prestation d'un groupe de pub quelconque. Agrégat de deux chansons de McCartney et Lennon « I've Got A Feeling », est un titre heavy blues un peu pénible. McCartney y fait son rocker ce qui alourdit encore une chanson qui semble à des années-lumière des splendeurs passées. « One After 909 » date de 1963 mais n'avait pas été retenue à l'époque. Reprise 6 ans plus tard, elle sonne en effet comme du Beatles première manière par sa simplicité et sa tonalité rock'n'roll. C'est son seul intérêt. Il en va tout autrement de l'ambitieuse « The Long And Winding Road » signée Paul McCartney. Cette ballade au piano peut être jugée sirupeuse mais elle doit à mon avis cette réputation à la production de Spector qui y a ajouté des cordes, des cuivres et des chœurs féminins. Il faut absolument lui préférer sa version « Naked » où, déshabillée de tous ses oripeaux, elle retrouve son essence, son âme.
“For Your Blue” est le deuxième titre de l'album signé Harrison. Il sonne comme une sympathique récréation sous la forme d'un blues au tempo enlevé pas totalement désagréable mais purement anecdotique. Heureusement l'album se termine sur un classique du groupe ; « Get Back » écrit par Paul McCartney. Énorme succès, le titre comporte deux solos, l'un de Lennon à la guitare et l'autre de Billy Preston au piano électrique. Il permet à « Let It Be », avec la chanson-titre, de surnager, d'être sauvé de la banalité. La voici dans sa version « Concert sur le toit ».
L'histoire s'arrête là pour les Beatles. « Let It Be » n'est pas un grand album mais il ne fait pas oublier les merveilles des précédents. En plus d'avoir profondément transformé la musique populaire, de lui avoir donné ses lettres de noblesse, John, Paul, George et Ringo sont entrés dans le patrimoine mondial de l'humanité, ils sont dans notre conscience collective. Ils écrasent toute la concurrence pour des décennies à venir alors que dire de plus que « Merci pour tout ! ».
Retrouvez les chroniques de Christophe Billars également sur son blog Galettes Vinyles
Passionné de musique, lui-même musicien, compositeur et parolier. Sur Poptastic, Christophe livre régulièrement des critiques affûtées sur les albums d'artistes britanniques ou en rapport avec la scène musicale britannique.
Commentaires
Commentaires fermés.
André Sur 13 janvier 2023 à 1 h 16 min
J'aime les Beatles album let it bé est formidable
Thierry Sur 21 novembre 2022 à 14 h 45 min
let it be, accident (catastrophe ?) discographique dans la fabuleuse carrière des fabuleux Beatles est devenu un lieu commun très éculé colporté par des gens probablement durs d'oreille. Il y a bien quelques plages dont l'histoire aurait pu se passer (dig it?) mais un ratage de ce niveau qui contient des titres imparables comme Get Back, I've got a feeling, across the universe, let it be, les 2 titres très enlevés de Harrison, 2 of us, la plupart enregistrés en son direct, on paierait cher pour en commettre la moitié du quart d'un une seule fois dans sa vie ! Ils avaient tellement d'autres merveilles en réserve qu'ils ont négligé (!) d'y faire figurer le génial don't let me down d'un Lennon à son meilleur, oubli heureusement corrigé dans l'indispensable naked. Let it be, l'album le plus sous-estimé de l'histoire du rock and roll.