Eh bien voilà. La question est simple : comment écrire sur un album à propos duquel tout a déjà été écrit ? Depuis la pochette signée Peter Blake, artiste anglais appartenant au mouvement du pop art, un collage qui inscrit l'album et le groupe parmi les mythes du 20ème siècle, jusqu'aux paroles de chacune des chansons, tout a été disséqué, analysé, plagié maintes et maintes fois.
Fréquemment classé comme étant le meilleur album de tous les temps, n'est-il pas avant tout le premier album de l'histoire ? En effet, « Sgt Peppers » est d'abord conçu comme un tout et non pas une simple suite de chansons compilées sur un disque, le premier « concept-album » peut-être. Ensuite, il s'agit, bien plus encore que pour « Revolver » (1966), qui n'était à ce titre qu'un coup d'essai, d'un album qui a révolutionné l'utilisation du studio. Des prises innombrables, 5 mois en studio, des techniques d'enregistrement jamais utilisées auparavant, l'emploi d'effets audio nombreux et variés. Ne disposant que d'un magnétophone 4 pistes, George Martin et ses collaborateurs parviennent à transférer les pistes enregistrées sur une seule, en libérant dès lors 3. Par ce procédé, les Beatles disposent de 16 pistes. Ce n'est pas rien quand on considère l'incroyable richesse des arrangements et des instrumentations que recèle l'album.
De plus, « Sgt Peppers » a su capturer l'esprit de son temps, d'une année (c'est le fameux Summer of love) où la création est en ébullition grâce au pop art, aux influences orientales et au psychédélisme que la découverte des drogues révèle. Le disque apparait encore aujourd'hui comme cet incroyable produit de laboratoire, cette créature accouchée des cerveaux les plus créatifs de leur temps. McCartney ne s'est jamais caché que sa volonté était de surpasser le « Pet Sounds » (1967) de Brian Wilson et de ses Beach Boys. Y est-il parvenu ? Chacun a sa propre réponse à cette question. Mais quoiqu'il en soit, et même si je dois avouer que « Sgt Peppers » n'est pas mon album préféré des Beatles, à force de parler de sa pochette, des conditions de son enregistrement, des innovations techniques, du mythe des Beatles, on en oublierait presque que dans « Sgt Peppers » avant tout il y a des chansons, et pour beaucoup d'entre elles quelles chansons ! On notera quand même que deux furent écartées de l'album pour sortir en single : « Strawberry Fields Forever » et « Penny Lane ». Excusez du peu ! Laissons-nous donc entraîner derrière le Sergent Poivre une fois encore et jugeons, plus de 50 ans après, ces chansons comme si elles faisaient partie d'un album comme les autres, un album de pop anglaise comme il y en a tant.
"Sgt. Pepper's Lonely Heart Club Band" qui ouvre l'album est en quelque sorte le fruit de la décision des Beatles d'arrêter la scène car ils ne peuvent plus jouer en public des chansons devenues trop complexes depuis « Revolver » (1966). Le titre dénomme un groupe fictif qui partirait en tournée à la place des Beatles et qui est présenté comme tel « May I introduce to you/ …/Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band/…/ We hope you will enjoy the show”. Le titre sera repris en fin d'album en guise d'au revoir du groupe au public. La chanson, signée McCartney est évidemment un classique intemporel. S'ouvrant sur des bruits de conversation du public pendant que les musiciens s'accordent avant que débute ce titre assez rock joué sur un tempo pourtant plutôt lent. On peut noter la formidable batterie de Ringo et les changements de couleur tout au long du morceau. On entend durant le titre des applaudissements, accentuant le côté collage. Les cuivres, la mélodie de cette chanson de 2 mn sont passés à la postérité. On ne s'en lasse pas. Le personnage de Billy Shears y est annoncé à la fin « Let me introduce to you/The one and only Billy Shear” pour une transition sans coupure vers un autre classique chanté par Billy Shears/Ringo Starr. Mélodie idéale, chœurs fabuleux, « A Little Help from my Friends” est la perfection faite chanson et ce n'est pas la version, selon moi bien inférieure, de Joe Cocker qui me fera changer d'avis.
Régis Sur 29 juin 2022 à 16 h 57 min
Bonjour, rien à ajouter après un tel article: percutant, précis et documenté, qui démontre la passion pour la musique de cet album... Pour le compléter, il suffit de réécouter l'album!
Régis