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The Cure - Songs Of The Lost Word

Rédaction : Christophe Billars le 8 novembre 2024

J'ai attendu d'avoir l'album entre les mains avant d'écouter quoi que ce soit. Pourtant, depuis quelques jours, deux titres étaient en ligne et disponibles : « Alone » et « A Fragile Thing ». Je me suis bouché les oreilles.

Peut-être pour pouvoir découvrir l'album en entier à la première écoute, comme avant Internet. Une première écoute est toujours un moment particulier, surtout avec un groupe qu'on a tant aimé, qu'on aime tant, un groupe si important. Il faudrait pouvoir noter, graver dans le marbre les impressions d'une première écoute, les frissons, les déceptions, puisque plus jamais elles ne seront semblables.

Il faut dire qu'avec The Cure, depuis pas mal d'années, les déceptions ont pris le pas sur les frissons. Même avec un album tel que « Wish » (1992), pourtant un grand succès, il me semble que le compte n'y était pas. Il faut dire que succéder à « Desintegration » (1989), sommet absolu, n'était pas une mince affaire. Mais qui écoute encore aujourd'hui « Wild Mood Swing » (1996) ? Ou « The Cure » (2004) et « 4 :13 Dreams » (2008) ? Des disques pour rien. Bien sûr il y a eu « Bloodflowers » (2000) parfois encensé par la critique mais que je n'ai jamais vraiment aimé, rebuté par son côté forcé, brouillon, bruyant. Alors pensez, aujourd'hui en 2024, à l'annonce de ce « Songs Of The Lost World », 16 ans après le dernier, je ne peux qu'avoir peur d'une nouvelle déception, peur que plus jamais Robert Smith ne me fasse frissonner. Cependant quand il faut y aller, faut y aller. « Alone ».

Je l'ai écoutée 4 fois de suite, remettant le bras au début du disque, inlassablement. « Alone ». Je n'osais pas poursuivre avec le deuxième de ces 8 nouveaux titres (Oui oui, comme sur « Faith » et « Pornography », c'est un signe), voulant avoir la confirmation qu'enfin on tenait là le meilleur début d'album depuis « Plainsong » sur « Desintegration ». Oui vous avez bien lu ! Et je l'ai écoutée 4 fois d'affilée avant d'être certain que ma première impression était la bonne. Et puis je ne voulais pas poursuivre craignant que la suite ne soit pas à la hauteur, et ce titre d'ouverture un feu de paille, un unique diamant noir. Mais sur cet « Alone » dont j'avais rêvé, tout est là. Une longue introduction à la tristesse insondable, la basse de Simon Gallup, les claviers comme des larmes, des zébrures de guitares, la batterie martiale et ténébreuse à la fois. Et puis au bout de 3'25 et des brouettes, la voix de Robert Smith, inaltérée, sublime, unique au monde, cette voix qui nous transporte depuis si longtemps qu'elle fait partie intégrante de nos vies. Et ces mots « This Is The End Of Every Song That We Sing » qui débutent et termineront la chanson, comme un résumé, un bilan, un programme ?

Mais bon, on va pas y passer la nuit alors en avant pour « And Nothing Is Forever ». Piano mélancolique, tapis de cordes, presque une musique de film, un tantinet sirupeuse en introduction, puis une guitare qui vient salir tout ça et une grosse nappe de claviers. Pas de doutes, on est dans une ambiance proche de « Desintegration ». Il faut encore attendre quasi 3 mn avant que Robert ne se fasse entendre sur ce titre très atmosphérique. « I Know / That My World Is Grown Old / But It Really Doesn't Matter » sont un extrait de ses paroles où les thèmes du temps qui passe, de la mort qui vient sont omniprésents. C'est très beau mais ceux qui espéraient du Cure pop et sautillant en sont pour leurs frais. Quoiqu'« A Fragile Thing », son intro au piano bien vite accompagné par une énorme ligne de basse de Simon Gallup, puisse les satisfaire. Et pour cause, c'est un immense titre qui rentrera au Panthéon Curiste à n'en pas douter et installe définitivement « Songs Of The Lost World » comme une des grandes réussites du groupe. Me voilà rassuré et je peux en toute sérénité avancer dans l'album.

nouvel album the cure songs of a lost world

« Warsong » est un titre plein de colère, face à ce monde où le bruit des armes et la fureur résonnent. Les guitares hurlent et créent un véritable mur du son tandis que Robert déplore : « We Were Born For The War ». Un titre rude, agressif, qui tranche nettement avec le reste de l'album et clôt une face A absolument impeccable. Je me répète, la meilleure depuis ….

« Drone:No Drone » ressemble à un nœud de serpents venimeux, les guitares rayent l'air ambiant, se tordent, vrillent, menaçantes et nerveuses, installant un climat oppressant. « Warsong » et « Drone : No Drone » constituent le cœur de l'album, un cœur noir et dangereux, saturé de sons mais ce cœur est entouré par des titres plus lents, processions plaintives et somptueuses comme le magnifique et déchirant « I Can Never Say Goodbye ». Robert Smith y pleure son frère disparu dans une confession intime « Something Wicked This Way Comes / To Steal Away My Brother's Life » accompagné par quelques notes de piano récurrentes et une houle de guitares et de claviers. Cet album est un rêve éveillé, on l'a tellement espéré. Et pourtant le meilleur selon moi est encore à venir.

« All I Ever Am » est un titre enlevé, grâce à la basse saturée de Simon Gallup qui met en évidence tout ce que The Cure et New Order partagent tant ici les sonorités font penser au groupe de Manchester. Le morceau est irrésistible mariant une certaine légèreté à une mélancolie omniprésente. La voici en live s'il vous plait, lors du concert donné le 1er novembre dernier à Londres à l'occasion de la sortie de l'album.

Il ne reste qu'un titre mais quel titre ! « Endsong » et ses 10 minutes 23 secondes constitue à mon avis le sommet du disque et un sommet tout court dans la discographie du groupe. Cette chanson seule justifie l'achat de l'album (qui vous l'avez compris ne manque pourtant pas de perles). Elle pourrait figurer sur « Pornography » sans problème, diamant d'un noir profond, hypnotisant, fascinant. Comment ne pas entrer en transe avec cette intro de quasi 7 minutes, rythmée par une batterie inexorable, mortuaire, jusqu'à ce que la voix de Robert Smith achève l'auditeur. « Endsong » est la quintessence de The Cure, personne d'autre ne fait des chansons comme celle-là, tellement triste, tellement belle, méditation sur le temps passé, sur la vieillesse. Je laisse le mot de la fin à Robert Smith car après « Endsong » il n'y a rien à ajouter.

« ...Et je me demande ce qu'est devenu ce garçon
And wondering what became of that boy
Et le monde qu'il appelait le sien
And the world he called his own
Je suis dehors dans le noir
I'm outside in the dark
Je me demande comment je suis devenu si vieux
Wondering how I got so old
Tout est parti, tout est parti
It's all gone, it's all gone
Il ne reste plus rien de tout ce que j'ai aimé
Nothing left of all I loved
Tout semble faux
It all feels wrong
Tout est parti, tout est parti, tout est parti
It's all gone, it's all gone, it's all gone... »

Auteur
christophe billars

Passionné de musique, lui-même musicien, compositeur et parolier. Sur Poptastic, Christophe livre régulièrement des critiques affûtées sur les albums d'artistes britanniques ou en rapport avec la scène musicale britannique.


Commentaires
  1. Gilbert   Sur   8 novembre 2024 à 19 h 06 min

    Un chef-d'œuvre ! Je suis choqué par la beauté de ce joyau. Mon dieu que c'est beau. De la poésie musicale. Bien meilleur et plus sombre que le sublime album de Desintegration.

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